Films du mois
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- Légendes des pictos :
- Séance suivie d'une rencontre |
- Sous-titrage sourds et malentendants |
- VF Version française |
- Séance précédée ou suivie d'un repas
De Pham Thien An avec Le Phong Vu, Nguyen Thinh, Nguyen Thi Truc Quynh, Vu Ngoc Manh
Drame - Vietnam - 2023 - VOST - 2h59
L'Arbre aux papillons d'or
Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto à Saigon, Thien se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal. Il y emmène également son neveu Dao (5 ans), qui a miraculeusement survécu à l'accident. Au milieu des paysages mystiques de la campagne vietnamienne, Thien part à la recherche de son frère aîné, disparu il y a des années, un voyage qui remet profondément en question sa foi.
Pham Thien An est de ces auteurs qui, en quelques plans, définissent un territoire et l’impriment pour toujours dans nos rétines. Ce tour de force est établi par un premier film de fiction, L’arbre aux papillons d’or, qui intervient après deux court-métrages remarqués en festival, et qui dessine immédiatement les contours d’une œuvre d’ores et déjà à suivre. C’est au Vietnam que se déroule l’histoire, pays surtout connu au cinéma par les films étasuniens relatant cette fameuse guerre du tournant des années 1960-1970. Le regard porté sur son pays partage un projet de mise en scène qui n’aura de cesse de jongler entre la surprise et l’étonnement, dans un rythme très narratif, mais aussi très lent qui laisse la part belle au plan et à l’établissement d’une esthétique unique et singulière. Dès la première séquence, le déplacement de la caméra, pour signifier un accident, bouleverse le confort du spectateur pour le confronter au drame, fondation de tout le reste du scénario. En un mouvement latéral soudain, on saute dans le cœur de l’histoire, qui va nous emmener loin de la ville de Saïgon, dans un voyage vers la campagne qui fait penser à celui retrouvé dans Los reyes del mundo de la colombienne Laura Mora. Dans le même ordre idée, un événement entame un « road trip » loin de la ville, à la recherche d’un passé brumeux qui va par faire irruption dans le plan par le biais d’un dispositif très surprenant. Quand les souvenirs envahissent le personnage principal, c’est grâce à un mouvement de caméra très délicat que nous voyons apparaître les motifs oubliés, renseignant sur les tenants et les aboutissants de cette quête. Si l’image est donc un moteur particulièrement vif au cœur de la proposition de cinéma du cinéaste, le son tient un rôle important qui n’est pas sans rappeler celui d’un film comme Les bruits de Recife de Kleber Mendonça Filho. Le son et l’image se décorrèlent pour imprimer un mouvement, dans un rapport très sensoriel et organique qui déroute et fascine tout à la fois. Sans jamais perdre de vue son histoire, Pham Thien An utilise tous les moyens à sa disposition pour créer un film différent, à la fois préoccupé par l’histoire intime de ce personnage et son neveu, mais aussi par tout le territoire vietnamien qui est magnifié à chaque scène. Cette dimension sensorielle très forte ne rapproche pourtant pas vraiment son cinéma de celui du voisin thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. L’onirisme et la poésie de L’Arbre aux papillons d’or font plus penser au Taïwan d’Hou Hsiao Hsien, celui découvert en 1984 avec son grand film Les Garçons de Fengkuei. En partant sur la route, Thien, va à la rencontre des cendres des fondations de son berceau familial. Tous et toutes ont quitté le village des origines, les parents vers les Etats-Unis, les frères et sœurs vers d’autres lieux. Ce grand frère, disparu et perdu de vue, devient un prétexte pour revisiter l’enfance, et par là s’interroger sur le sens de la vie par le biais de cet enfant à élever. Dans cet itinéraire intime, il y a aussi un petit quelque chose de Kaili Blues de Bi Gan, les deux films mettant l’accent sur une même ruralité où l’on se déplace à deux roues sur des routes qui semblent oubliées et comme autant de voies d’introspection où l’on se cherche et où on finit tout simplement par se perdre. Thien va se dissoudre complètement à la fois dans le temps mais aussi dans l’environnement, perdu dans les fantômes du passé, dont il ne subsiste plus que des énergies fugaces. On se souvient vaguement d’un nom, d’une maison, sans être jamais vraiment sûrs de rien. Ce chassé-croisé entre rêve et réalité, entre responsabilité très concrète et fuite du présent qui se marque dans l’histoire et sur l’écran, accouche d’un film à l’arôme si particulier qu’on a parfois le sentiment de réapprendre des motifs aussi banals que le flash-back ou le travelling. L’arbre aux papillons d’or, titre sublime, est un film rare et puissant qui atteste de la naissance d’un auteur avec un style d’une telle maturité et une telle assurance qu’on le croirait déjà confirmé avec un style d’une grande classe. Le Bleu du Miroir
De Justine Triet avec Sandra Hüller, Milo Machado-Graner, Swann Arlaud, Saadia Bentaïeb, Jehnny Beth
Policier Drame - France - 2023 - VF - 2h30
Anatomie d'une chute
Samuel est retrouvé mort dans la neige au pied du chalet isolé où il vit avec sa femme Sandra, écrivaine allemande, et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel. Une enquête conclut à une "mort suspecte" : impossible de savoir s'il s'est suicidé ou s’il a été assassiné. Sandra est mise en examen, et nous suivrons son procès, véritable dissection du couple. Daniel est tiraillé : du tribunal à la maison, le doute s’installe entre la mère et le fils.
Palme d'OR Cannes 2023
En partenariat avec l'ADRC (agence nationale pour le développement du cinéma en régions)
Dans un coin isolé de montagne, un homme a chuté, du haut de sa maison. Il est retrouvé mort, par son fils, 11 ans, malvoyant, revenu d’une promenade avec son chien. Que s’est-il passé ? L’hypothèse de l’accident étant assez vite écartée, il reste le suicide. Ou l’homicide. Une enquête est ouverte. L’épouse du défunt, Sandra (Sandra Hüller, formidable en femme de tête, séduisante dans son refus de l’être), romancière réputée, présente dans la maison au moment des faits, est suspectée. Arrive aussitôt un ami de confiance (Swann Arlaud), avocat de profession, qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs années. Il lui demande de raconter en détail tout ce qu’elle a fait, ce qu’elle a entendu. S’il laisse comprendre que pas mal d’éléments l’accablent, il est clair qu’il ne doute pas de son innocence. Et nous ? On ne cessera d’apprendre et d’être bousculé, de s’interroger, avant de se forger sa propre conviction ou de se raccrocher au bénéfice du doute. Il y a bien là tous les éléments concourant au suspense d’une véritable intrigue policière, mais largement rehaussée d’une approche très intime des personnages. Dès le début, un sentiment de proximité s’instaure en effet avec Sandra, cette héroïne complexe, monstre d’ambiguïté, appréhendée (au double sens du mot) dans son foyer, lieu d’ancrage et d’effondrement de l’histoire. Le décor, la vie matérielle et domestique, l’expertise des faits, d’un côté ; de l’autre, le vertige de la fiction, la verticalité de l’abîme, le puits sans fond d’une vérité multiple. Voilà comment se déploie Anatomie d’une chute, Palme d’or 2023 et quatrième long métrage d’une réalisatrice (La Bataille de Solférino, Victoria, Sibyl) qu’on défend ardemment depuis ses débuts. Et qui franchit clairement un palier, avec ce film ambitieux sur la défaite d’un couple, analysée et disséquée avec d’autant plus d’intérêt que les protagonistes semblent très lucides sur eux-mêmes. Ce sont des fortes personnalités, ayant chacune la passion de l’écriture. Passion contrariée chez Samuel, le mari, professeur charismatique, qui avait décidé de faire classe à leur fils à la maison. Est-ce par manque de temps, d’énergie, de confiance en lui ? Il n’était pas parvenu au statut de reconnaissance littéraire de sa femme. Un cinéma qui élève ses personnages Bataille d’ego, désir, frustration, mensonges, jalousie sont au cœur du film. Faire perdurer le couple n’est pas chose aisée, il faut que chacun y trouve sa place, son équilibre, son indépendance. C’est une construction fragile, où peut surgir de la violence, en mots voire en actes. Arthur Harari et Justine Triet, couple à la ville, le savent pertinemment. C’est ensemble qu’ils ont écrit ce scénario diabolique, manière qu’on imagine heureuse pour eux d’expurger le pire. La grande sagacité de leur histoire est d’aborder cette faillite du couple à travers tous les angles — psychologique, politique, sexuel et finalement judiciaire. Pari fou, pleinement gagné. Le procès de Sandra ne va pas sans théâtre — voir le numéro virevoltant de l’avocat général (Antoine Reinartz, histrion pernicieux à souhait). L’enceinte de ce tribunal est une scène qui offre un terrain idéal pour tout apprendre de l’inculpée, sachant que voir sa vie privée ainsi exposée en public n’est pas sans risque pour son fils meurtri, Daniel, un garçon vif, intense. Il est rarissime qu’un enfant soit dépeint ainsi, avec tant d’aplomb et de foi, balayant toute sagesse ou principe de précaution. Et c’est sans doute la hardiesse majeure du film : faire de Daniel, face à sa mère accusée du meurtre de son père, une sorte de voyant extralucide. Qui laisse médusée, par ses témoignages, la présidente du tribunal. Croire en la capacité d’écoute et de raisonnement de chacun. Voilà ce qui motive Justine Triet, si sensible dans sa mise en scène au son, à la parole, à la langue — aux langues : bien qu’allemande, Sandra parle le français et l’anglais, dont la traduction constitue ici un enjeu de plus. Voilà du cinéma qui veille en somme à toujours élever ses personnages vers le haut, quels que soient leur égoïsme, leur ingratitude ou leur cruauté. Tout le contraire d’une chute. Télérama
De Daniel Goldhaber avec Ariela Barer, Kristine Frøseth, Lukas Gage, Forrest Goodluck, Sasha Lane
Thriller Drame - Etats-Unis - 2023 - VOST - 1h44
Sabotage
Un groupe de militants environnementaux s’organise pour commettre un acte de sabotage de grande envergure : faire exploser un pipeline.
Rencontre avec ATTAC et la Ligue des Droits de l'Homme le vendredi 22 septembre à 20h.
"Le capitalisme fossile nous conduit à toute vitesse vers le précipice. Quelqu’un doit tirer le frein d’urgence. Si les gouvernements ne le font pas, le reste d’entre nous le fera." Ainsi s’exprimait l’universitaire suédois Andreas Malm dans une tribune publiée par le journal Le Monde en juin 2023, après que son manifeste, Comment saboter un pipeline, au titre bien plus provocateur que son contenu, fut désigné par Gérald Darmanin comme la principale source d’inspiration du mouvement écologiste les Soulèvements de la Terre. Le ministre de l’Intérieur allant même jusqu’à parler de « terrorisme intellectuel » pour disqualifier l’ouvrage dont s’est très librement inspiré le réalisateur de Sabotage. « Confronter les idées abstraites du livre au langage du cinéma hollywoodien », tel était le projet de Daniel Goldhaber, parfaitement mis en pratique dans un thriller politique au suspense diaboliquement entretenu par de multiples retours en arrière qui interrompent le sabotage du pipeline à des moments clés — au plus fort de l’action —, pour expliquer les raisons qui ont poussé chacun des huit protagonistes à passer à la destruction de propriété privée. De la minutieuse confection de la bombe à partir d’engrais jusqu’à la méthodique dispersion de l’équipe une fois la mission accomplie, on se rapproche, formellement, du film de casse à la Don Siegel. La patine vintage, soulignée par le choix de la pellicule 16 millimètres, contraste ici avec un discours ultra-contemporain prônant la désobéissance civile. Qu’on partage ou pas la radicalité de la bande de saboteurs, il est assez jubilatoire de voir autant de profils sociologiques (un redneck catholique et républicain, un couple de zadistes, un Amérindien, une femme de ménage…) converger dans une lutte collective contre les ravages de l’industrie des énergies fossiles. Le cinéma manque de fictions optimistes et inspirantes sur la catastrophe climatique en cours. Sabotage redonne, avec fougue et lucidité, du cœur à l’ouvrage. Télérama
De Iolande Cadrin-Rossignol, Marie-Dominique Michaud
Documentaire - Canada - 2023 - 1h36
L'Océan vu du coeur
Suite de La Terre vue du Cœur avec Hubert Reeves. Dans un contexte d’effondrement de la biodiversité marine et de bouleversements climatiques, le documentaire nous dévoile les dernières découvertes scientifiques sur l’intelligence des animaux marins et de leurs écosystèmes. Il nous invite également à joindre les efforts de protection et de régénération de l’Océan en cours partout sur la planète. Avec la participation de Hubert Reeves, Claire Novian, Frédéric Lenoir et Mario Cyr.
Un très beau documentaire qui déjoue les attentes. S’il évoque une urgence écologique, le film refuse la forme du cri d’appel. Il n’en est que plus convaincant. Avoir-à Lire
De Arnaud Riou, Maud Baigneres avec Kevin Finel, Olivier Chambon, Frédéric Lenoir, Khenpo Sonam Tsewang, Lama Yomgten
Documentaire - France - 2022 - 1h35
Etugen
Quel est le sens de notre existence ? Qu'est-ce que l'âme ? Quels sont les pouvoirs de l'esprit, de la conscience ? Quel est notre rapport à la nature ? En posant ces questions, le film nous invite à découvrir une sagesse universelle à travers la rencontre de chamans, de guérisseurs, de yogis, mais aussi de philosophes, de médecins. Des plaines de Mongolie aux forêts d'Amazonie, ce film nous amène bien plus loin que nous ne l'aurions imaginé.
Rencontre avec l'association La maison commune
Un somptueux voyage engagé, riche et édifiant sur les spiritualités peuplant le monde et pouvant ouvrir sur notre cheminement intérieur. Prônant de réconcilier la Terre et le ciel, l’intuition et la science, une profession de foi à suivre avec discernement. Les fiches du cinéma
De Christopher Nolan avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon, Robert Downey Jr., Florence Pugh
Biopic Historique Thriller - Etats-Unis - 2023 - VOST - 3h01
Oppenheimer
Le nouveau film de Christopher Nolan sur l'univers palpitant de l'homme complexe qui a mis en jeu la vie du monde entier pour mieux le sauver.
Christopher Nolan est un réalisateur brillant mais qui divise. Il a ses détracteurs, qui n’apprécient guère son excès de sophistication et sa froideur conceptuelle. Nolan les aurait-il entendus ? Oppenheimer est son film le plus attachant et le plus simple, formellement au moins, sur ce cas pourtant complexe de Robert Oppenheimer, surnommé le « père de la bombe atomique ». Voici un biopic empathique, sans être hagiographique, qui s’inspire d’une biographie parue en 2005, signée Kai Bird et Martin J. Sherwin. À la différence du légendaire Einstein (qui apparaît ici de manière savoureuse), le rôle majeur et l’implication directe d’Oppenheimer dans la Seconde Guerre mondiale, à travers le bombardement de Hiroshima et de Nagasaki, font de lui une figure mythique de tragédie, glorieuse et maudite. Tout le désigne au départ comme un scientifique doué doublé d’un érudit, juif éclairé et bienfaisant, qui traverse l’Europe dans sa jeunesse, étudie à Cambridge. Digne d’une aventure romanesque est le premier tiers du film, qui fait découvrir le sympathisant du parti communiste dans les années 1930, l’amateur d’art, le polyglotte connaissant le sanskrit et capable d’apprendre le néerlandais en un semestre, l’amoureux transi d’une brune sagace et torride. L’homme, à l’allure de privé avec son chapeau, a bien quelques faiblesses, que le réalisateur glisse finement — sa gaucherie dans les travaux pratiques en labo, une forme de passivité tourmentée qui le confine à s’enfermer dans une position de martyr. Malgré tout, il fait tôt partie de l’élite scientifique. Et en 1941, une opportunité se présente, dans l’urgence. Une course contre la montre est alors engagée avec l’Allemagne dans la fabrication de la bombe atomique. Pour y parvenir, un colonel de l’armée américaine (Matt Damon) lui propose de diriger le « projet Manhattan ». Par patriotisme et conviction antinazie, Oppenheimer accepte et monte une équipe qui réunit le fleuron de la physique internationale. C’est en plein désert du Nouveau-Mexique que se concrétise le projet, dans le cadre d’une base secrète. Cette partie du film ne manque pas de piquant, tant ce site surréel tient du western — « Il ne manque plus que le saloon », fait remarquer l’épouse du physicien. Là sera pourtant produite la première bombe atomique, dans des circonstances qui semblent rétrospectivement assez aléatoires — rien ne dit, lors de l’essai Trinity, que la planète ne va pas y passer. Oppenheimer est déjà conscient que sa création révolutionnaire peut le dépasser. La force indéniable du portrait composé par Nolan tient dans sa dualité : il montre son personnage comme un génie du bien et du mal. Un sauveur et un destructeur, en proie à des dilemmes moraux. Un monstre d’orgueil et d’égoïsme, mais conscient de l’être et qui se sent coupable. Après une conférence qu’il donne, où il est fêté en héros national, il descend des marches et semble agrippé par un cadavre noirci de cendres. Brève séquence magnifique de hantise. Le cauchemar est aussi celui que le scientifique vit lors de la commission d’enquête diligentée par le FBI, en 1954, période hargneuse de maccarthysme. Il est accusé d’avoir été un espion de l’URSS, interrogé et harcelé, on met en question son intégrité. Sur la violence des dirigeants américains, capables d’honorer l’intelligence avant de l’écraser, le film est cinglant. Le suspect émacié et maigre — Cillian Murphy, formidable en visionnaire aux pieds d’argile — encaisse. Lors de l’entrevue avec Harry S. Truman dans son bureau présidentiel, Oppenheimer fait part de son inquiétude quant à l’escalade de la course aux armements avec les Soviétiques. Une fois sorti, il entend le chef d’État lancer : « Je ne veux plus revoir ce pleurnichard. » Des « pleurnichards » comme Oppenheimer, l’humanité en a pourtant besoin. Télérama
De Lav Diaz avec John Lloyd Cruz, Ronnie Lazaro, Shamaine Buencamino, DMs Boongaling, Hazel Orencio
Thriller Drame - Philippines / France / Danemark / Portugal - 2022 - VOST - 3h45
Quand les vagues se retirent
Le lieutenant Hermes Papauran, l'un des meilleurs enquêteurs des Philippines, se trouve dans un profond dilemme moral. En tant que membre des forces de l'ordre, il est le témoin privilégié de la campagne meurtrière anti-drogue que son institution mène avec dévouement.
Lav Diaz a passé son enfance dans la jungle, où ses parents, instituteurs catholiques, éduquaient les populations indigènes du sud de l’archipel des Philippines. Seule distraction, en fin de semaine, dans la ville voisine, à deux heures de piste : le cinéma. Huit films par excursion ; c’était l’époque des doubles programmes. Pas étonnant que cette cinéphilie précoce ait infusé l’œuvre, à la fois austère et organique, du réalisateur philippin. Après la comédie musicale (La Saison du diable, 2018), puis la science-fiction (Halte, 2019), on reconnaît dans ce nouveau poème visuel au cahier des charges inchangé (durée fleuve, noir et blanc, plans fixes) les codes du film noir. Deux inspecteurs de police, le plus âgé ayant formé le plus jeune, s’y affrontent selon un triptyque bien connu des amateurs de polar : trahison, punition, rédemption. Sauf qu’on n’est pas à Chicago mais dans une dictature tropicale ravagée par la mousson et la corruption : les Philippines de Rodrigo Duterte, à la tête du pays de 2016 à 2022. Les dilemmes moraux des deux héros de fiction ont une base documentaire : les meurtres de milliers de Philippins innocents perpétrés par l’administration de l’ancien président dans le cadre légalement arbitraire d’une prétendue guerre contre la drogue intitulée « opération Tokhang ». Le grain de la pellicule 16 mm confère aux images une dimension encore plus surnaturelle que dans les films précédents, tournés en 35 mm ou en Mini DV. La nuit et le jour se confondent. Les sources de lumière, halos incandescents, semblent consumer la pellicule, comme si le film orchestrait son propre effacement, à mesure que la vérité surgit et que les deux policiers marchent vers la mort. Cadré en plan large, le duel attendu déjoue tous les clichés. Un couteau. Des râles. Un sacrifice. Un père et son fils. Vagues et destins brisés. Comme deux épaves sur le sable mouillé. Télérama
De Jessica Hausner avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Amir El-Masry, Elsa Zylberstein, Mathieu Demy
Thriller Drame - Autriche / Allemagne / France / Grande-Bretagne / Danemark - 2023 - VOST - 1h50
Club Zero
Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zero
Rencontre avec Bertrand Baumeister, représentant du Cercle laïque pour la prévention du sectarisme, le jeudi 5 octobre à 20h
L'objet filmique de Jessica Hausner s'accompagne d'entrée de jeu d'une mise en garde quant aux désordres alimentaires qu'il évoque. Club Zéro, le film de la réalisatrice autrichienne en lice pour la Palme d'or, est une proposition dérangeante sur une thématique qui préoccupe désormais tout le monde ou presque, la protection de l'environnement. Dans son dernier long métrage, elle l'associe à l'alimentation, la jeunesse et l'éducation. Miss Novak, campée par une hallucinante Mia Wasikowska, débarque dans un lycée privé pour enseigner l'alimentation consciente. La méthode qu'elle prône conseille, par exemple, de respirer avant d'avaler sa tablette de chocolat. Prendre ainsi conscience de son alimentation serait, selon elle, un moyen de participer à la protection de l'environnement. Comme le montre la première scène du film, les jeunes qui s'inscrivent dans son cours ont des motivations diverses. Mais peu à peu, sous l'influence de leur enseignante, leur rapport à la nourriture va se radicaliser sous les yeux des parents des lycéens dont deux sont interprétés par les comédiens français Elsa Zylberstein et Mathieu Demy. Sans éveiller la méfiance de la responsable de l'établissement d'excellence, incarnée par la Danoise Sidse Babett Knudsen affublé d'une garde-robe assez baroque, Miss Novak emmène ses adeptes aux portes de l'étrange Club Zéro. Un gourou dans leurs assiettes Après Little Joe, présenté également en compétition en 2019 (la comédienne Emily Beecham y a obtenu le Prix d'interprétation féminine), Hausner démontre de nouveau sa capacité à mettre en image l'emprise, qu'elle soit d'origine végétale – c'était le cas dans son précédent film – ou humaine. D'abord, par le biais de l'organisation de l'espace, Miss Novak et ses élèves évoluent dans des décors parfaitement ordonnés et aseptisés qui transmettent une certaine vacuité, aussi bien dans le lycée que dans les domiciles de leurs riches parents, du moins pour la plupart d'entre eux. Ensuite, les tables à manger, lieu de l'exercice de l'alimentation consciente enseignée par Miss Novak, sont prépondérantes. L'aspect appétissant des mets, que l'on y retrouve, contraste avec la façon dont les nouveaux adeptes de la méthode les accueillent, à savoir le plus souvent avec indifférence ou dégoût. Les contrastes se retrouvent d'ailleurs à d'autres niveaux. Par exemple, quand les dialogues déclenchent l'hilarité générale pour mieux replonger l'audience dans la spirale du drame auquel elle assiste. Tout comme la palette chatoyante du film s'oppose au sombre récit qui est livré : le rouge et le vert, que l'on retrouve souvent dans les décors de Hausner, viennent ici s'ajouter à l'univers jaune et violet des uniformes des lycéens. Nourris par une liberté illusoire Enfin, l'intrigue puise sa force dans la bulle léthargique dans laquelle les enfants et les parents évoluent pour des raisons tout à fait différentes. Chez les lycéens, elle rend compte de leur niveau d’adhésion aux théories de Mme Novak et de leur envie de résister aux diktats de la société de consommation. Quant aux parents, leur passivité est le reflet de leur impuissance à trouver la solution idoine au problème qui se pose désormais à eux. D'autant que pour certains de cette bande d'adolescents, l'endoctrinement dont ils sont victimes trouve un terreau plus que favorable dans un mal-être préexistant. Fred est négligé par ses parents qui ne jurent que par un projet mené au Ghana, Elsa est anorexique – un héritage familial semble-t-il – et Ragna est complexée par son apparence physique. La bande originale de Club Zéro joue à fond, peut-être un peu trop d'ailleurs, la carte du drame pour accompagner cette dérive sectaire. Néanmoins, ce choix renforce son propos qui interroge sur la capacité des adultes, parents et corps enseignant, à intervenir pour protéger des enfants dans une situation où tous les signaux sont au rouge. A une époque où les jeunes subissent des influences de toutes sortes et que leurs engagements sont souvent entiers, voire quelque peu radicaux, Club Zéro sonne comme un appel à la vigilance. Jessica Hausner a signé un film percutant qui retourne l'estomac, au sens propre comme au figuré, de par le sujet qu'il aborde et ses choix de mise en scène totalement radicaux. France Info
De Davy Chou avec Park Ji-min, Oh Gwang-rok, Guka Han, Kim Sun-young, Yoann Zimmer
Drame - France / Allemagne / Belgique / Qatar - 2022 - VOST - 1h59
Retour à Séoul
Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.
Rencontre avec Enfance et Familles d’adoption 68
Gros plan sur deux jeunes femmes. À l’accueil d’un hôtel de Séoul, une fille à la beauté du diable emprunte les écouteurs de la réceptionniste, déjà subjuguée, pour écouter un morceau de vieille pop coréenne : Flower Petals de Lee Jung-hwa et Shin Jung-yun (1969) installe, d’emblée, une drôle d’atmosphère à la fois mélancolique et psychédélique. À l’image de l’héroïne, Freddie, qu’on ne va plus quitter (pas un plan sans elle), et qui s’impose comme l’un des personnages féminins les plus singuliers vus sur un écran depuis longtemps. C’est sur un coup de tête que Freddie, 25 ans, a pris un avion pour la Corée, ce pays où elle est née, a été abandonnée bébé, puis adoptée par un couple de Français. Freddie, on le verra, ne croit qu’à ça : au coup de tête, à l’embardée, au virage soudain, que ce soit pour s’enivrer avec des inconnus, coucher avec un jeune homme qui n’en demandait pas tant, ou décider de reprendre contact avec ses parents biologiques. Ce drôle de film d’aventures raconte-t-il une quête des origines ? Pas vraiment, car il n’est pas simple de découvrir qui l’on est, et, surtout, où l’on veut aller. C’est sur une décennie, avec un art remarquable de l’ellipse, que le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou (remarqué pour son documentaire Le Sommeil d’or et, ensuite, pour son premier long métrage, Diamond Island) dessine donc le chemin bizarre d’une fille étrange, forcément étrange, puisqu’étrangère à ses propres racines. Très loin des histoires souvent trop balisées sur la réconciliation avec soi-même, Retour à Séoul enchaîne des bribes d’existence pour montrer la construction chaotique d’une personnalité. Le réalisateur capte chaque émotion contradictoire de Freddie, incarnée miraculeusement, entre ultraviolence et ultravulnérabilité, par la non-actrice Park Ji-min, artiste plasticienne, elle-même née en Corée du Sud et arrivée en France à 8 ans. Freddie n’est pas une tendre, elle aime bousculer les autres et se perdre. Le film dérive et se casse avec elle, au fil de fausses fins et de rencontres qui sont aussi de fausses pistes : ainsi, une nuit de sexe avec un marchand d’armes (Louis-Do de Lencquesaing, épatant en une seule séquence) sera plus importante dans la trajectoire de la jeune femme que les retrouvailles avec un père biologique qui boit et pleure beaucoup — Oh Kwang-rok, qui a souvent joué chez Park Chan-wook. Film sur la rage de trouver sa place, Retour à Séoul impressionne aussi par son esthétique. Il faut imaginer une sorte d’Irma Vep, ou la Furiosa de Mad Max, avec beaucoup de cuir, pas l’ombre d’un sourire, dans des décors qui hésitent entre Wong Kar-wai, la nuit, et Hong Sang-soo, le jour. Et quand Freddie semble enfin apaisée, ce film captivant se boucle selon une philosophie aussi étonnante que son héroïne, qui ne s’oblige pas à être sympathique : la liberté, c’est savoir s’émanciper de toutes les identités qu’on vous assigne. Télérama
De Guylaine Maroist, Léa Clermont-Dion avec Laura Boldrini, Kiah Morris, Marion Séclin, Donna Zuckerberg
Documentaire - Canada - 2022 - VOST - 2h00
Je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique
Ce documentaire de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist nous plonge dans le tourbillon de la misogynie en ligne et documente la haine envers les femmes. Cet opus sombre, proche du thriller psychologique, suit quatre femmes sur deux continents : l'ancienne présidente du parlement italien Laura Boldrini, l'ancienne représentante démocrate Kiah Morris, l'actrice et YouTubeur française Marion Séclin et Donna Zuckerberg, spécialiste des violences faites aux femmes en ligne et sœur du fondateur de Facebook.
Rencontre avec le CIDFF (Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles du Haut-Rhin) et Nous Toutes 68.
De Nadir Moknèche avec Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Arturo Giusi, Saadia Bentaïeb, Zinedine Soualem, Lubna Azabal, Zahia Dehar, Florence Venant, David Sollazzo
Drame - France - 2023 - 1h30
L'Air de la mer rend libre
Rennes, de nos jours. Saïd habite encore chez ses parents. Il vit une liaison secrète avec Vincent. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira. Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, elle aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, Saïd et Hadjira s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté.
Chapitré selon les trois principaux personnage de ce triangle amoureux, Hadjira, Vincent, Saïd (puis Hadjira et Said pour conclure sur un lien qui n’en avait jusque là que les apparences), "L’air de la mer rend libre" est le nouveau long métrage de Nadir Moknèche, réalisateur de "Viva Laldjérie", "Lola Pater" et "Goodbye Marocco". Car en matière de vie commune, le couple formé par Hadjira et Saïd, mariés l’un pour satisfaire ses parents, l’autre pour faire oublier une histoire de cœur, n’en aura que les apparences, le film n’hésitant pas à montrer l’approche diamétralement opposée des deux personnages, l’une se réfugiant en partie dans la pratique religieuse, l’autre se laissant aller à ses pulsions, via applications de rencontres et sorties nocturnes sous prétexte d’un fallacieux jogging. La chasteté de la première, son désir d’une vie sociale, vont alors se heurter à la sexualité active de l’autre, tout comme à son besoin de fuite. De moule imposé il est donc question ici, qu’il s’agisse de ce couple destiné à faire un enfant pour combler de futurs grands parents et à faire des membres d’une famille « des gens biens », ou qu’il s’agisse de comportements sexuels consommateurs, s’opposant ainsi à ce qu’amenait Vincent dans la vie de Saïd. De principes il s’agit aussi, transmis docilement ou par la contrainte, de génération en génération, en méprisant les aspirations des uns ou des autres. Dans ce sens "L’air de la mer rend libre" n’hésite pas à proposer une nouvelle voie, grâce à ses deux jeunes interprètes ( Youssouf Abi-Ayad est une véritable révélation, Kenza Fortas affiche juste ce qu’il faut de fronde…), face à deux mères incarnées avec brio par Saadia Bentaïeb ("Ghost Tropic") parfaitement butée et Lubna Aaabal, incroyable de vulgarité criarde. Abus de ciné
De Amat Escalante avec Juan Daniel Garcia Treviño, Ester Expósito, Bárbara Mori, Fernando Bonilla, Mayra Hermosillo, Jero Medina, Vicky Araico, Maria Fernanda Osio
Thriller Drame - Mexique / Allemagne / Pays-Bas / Danemark - 2023 - VOST - 2h00
Lost In The Night
Dans une petite ville du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère. Activiste écologiste, elle s’opposait à l’industrie minière locale. Ne recevant aucune aide de la police ou du système judiciaire, ses recherches le mènent à la riche famille Aldama.
La ville où habite Emiliano avec sa sœur et sa toute jeune compagne est pétrie dans ses contradictions. Les travailleurs veulent que l’exploitation de la mine continue de se développer pour leur propre subsistance, tout en regrettant les effets délétères sur leur santé et l’emprise de riches investisseurs espagnols sur leur destin. En ce sens, ce paradoxe interroge hélas une situation trop courante à travers les pays les plus pauvres du monde où le besoin de nourrir sa famille passe par le renoncement à la santé, l’écologie et la dignité. La Quête de justice n’est pas tout à fait un film militant. C’est d’abord un formidable thriller qui amène le jeune homme à enquêter sur la disparition mystérieuse de sa mère à l’issue d’une réunion publique où elle interpellait directement une toute nouvelle actionnaire de la mine. L’enjeu est clair puisque dès les premières séquences, Amat Escalante met en scène une étonnante tuerie de ces apprentis militants par la police locale. On comprend alors que le garçon est entraîné sur les lieux où il pourra lever enfin les secrets de la mort de sa mère. Lost in the Night déjoue tous les ressorts connus du film policier. La plupart du temps, la fiction se déroule dans un seul espace, une demeure superbe, magnifiquement meublée, qui jouxte un lac d’une grande beauté. Au loin, on entend les explosions de la mine. Les habitants de cette maison viennent d’Espagne. Ce sont des artistes, bourgeois, qui se font aider d’indigènes pour entretenir le bâtiment ou s’occuper des enfants. Une grande fille se voue à des filmages de suicides sur son téléphone portable, ce qui lui vaut un certain succès sur les réseaux sociaux. Nous voilà entrés dans un long-métrage tortueux et passionnant. Toute l’histoire suit l’enquête d’Emiliano qui s’infiltre dans cette famille étrange, presque à la manière d’un certain Théorème de Pasolini. C’est un garçon déterminé, sincère, honnête, qui doit faire face aux aspérités du quotidien de son village, pris en tenaille entre une secte et les trafiquants de drogue. On parle aussi des jeunes qui désertent ces paysages secs pour un exil américain. Amat Escalante n’est plus un débutant au cinéma. Heli parlait déjà du combat personnel d’un jeune homme contre les narcotrafiquants. Le réalisateur transpose son sujet de prédilection dans un univers complexe et tourmenté qui convoque à lui seul tout ce qui peut empêcher l’émancipation économique et sociale du Mexique et réduit la jeunesse soit à choisir un camp armé, soit à survivre médiocrement. D’abord difficile, le film se laisse finalement très rapidement dompté par le spectateur. Le réalisateur ne révèle pas tous les mystères contenus dans le scénario, laissant une part importante à l’interprétation des enjeux. C’est exactement ce qui fait la force du film tant le récit avance à pas feutrés. Les deux adolescents principaux sont magnifiquement filmés. Ils sont non seulement très beaux, mais surtout ils habitent des valeurs, des convictions qui rendent hommage à la jeunesse mexicaine. Escalante aime son pays, autant qu’il sait en dénoncer les rugosités et les injustices. Une mention spéciale doit être faite pour le jeune comédien principal, Juan Daniel García Treviño. Il interprète ce jeune justicier avec une noblesse et une grande dignité. Il y a dans son regard la profondeur d’un jeune homme qui doit trouver un sens à son destin. Il magnétise littéralement la caméra. Bref, La Quête de justice est un film superbe, envoûtant, qui raconte, au-delà du Mexique, le droit pour chacun de vivre en paix. A voir à Lire
De Alain Gagnol, Jean-Loup Felicioli avec Audrey Tautou, Guillaume Canet, Loan Longchamp, Keanu Peyran, Guillaume Bats, Patrick Ridremont, Saabo Balde, Hugues Boucher, Julie Carli, Eve Lorrain, Noé Chabbat, Nada El Belkasmi, Saeed Mirzaei Fard
Animation - France / Luxembourg - 2023 - 1h18
Nina et le secret du hérisson
Nina aime écouter les histoires que lui raconte son père pour s’endormir, celles d’un hérisson qui découvre le monde. Un soir, son père, préoccupé par son travail, ne vient pas lui conter une nouvelle aventure... Heureusement, son meilleur ami Mehdi est là pour l’aider à trouver une solution : et si le trésor caché dans la vieille usine pouvait résoudre tous leurs problèmes ? Commence alors une grande aventure où il faut échapper à la vieille voisine et à son chat Touffu, déjouer les pièges du gardien et embobiner son gros chien... Sans compter le petit hérisson qui mène l’enquête à leurs côtés !
Dans ce troisième long métrage réalisé par les talentueux Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, on fait la rencontre de Nina et Mehdi, deux jeunes à la lisière de l’enfance. Chaque soir, Nina s’endort au rythme de la voix de son père. Inspiré par son quotidien, ce dernier lui raconte l’histoire d’un petit hérisson qui peine à trouver sa place dans le monde à cause de ses piquants. Une belle métaphore pour décrire l’intériorité de cet homme qui travaille à l’usine tout en étant par ailleurs un talentueux dessinateur. Dans un style de cartoon des années 30 digne des Looney Tunes de la Warner Bros, le petit hérisson s’anime comme par magie et accompagne Nina dans ses aventures. Suite à la fermeture de l’usine dans lequel il travaillait, le père de Nina se retrouve sans emploi et les histoires du soir ne sont plus à l’ordre du jour. Mais Nina est allée à bonne école et sait comment enchanter le quotidien. Avec un bon sens et une naïveté déconcertante, elle se met en tête de s’immiscer dans l’usine de son père pour retrouver de l’argent volé par le méchant patron avant la fermeture. Ainsi, son père n’aura besoin ni de travailler ni de partir à l’autre bout du pays. Cheffe dans l’âme, Nina embarque Medhi, secrètement amoureux d’elle, dans son épopée. En traversant une sublime forêt dont la finesse du trait rappelle les peintures du Douanier Rousseau, les deux enfants se font un peu plus grands. On retrouve là la symbolique de la forêt comme lieu de passage de l’enfance à l’âge adulte. De l’autre côté, se trouve le monde des adultes, celui de l’usine. Un monde âpre et hostile dont il faut se protéger. Mais dans les yeux de Nina, ce grand bâtiment désaffecté se transforme en un immense terrain de jeu où mener l'enquête, dont l’issue pourrait peut-être redonner le sourire à son père. Porté par les voix de Guillaume Canet (le père de Nina) et d’Audrey Tautou (la mère de Nina), le film dépeint avec finesse les relations parents - enfants. On y trouve des parents abattus mais responsables et des enfants irresponsables mais pleins de fougue. Dans ce croisement des émotions et des énergies se logent une grande tendresse, sûrement celle du regard des deux réalisateurs dont la sensibilité irrigue chaque plan du film. Nina et le secret du hérisson, film à suspense qui captive par son rythme, son montage et sa musique, est également un bijou d’animation. Dessiné à la main, puis colorié sur ordinateur, chaque plan du film épate par sa beauté, déjouant les codes de la perspective et des proportions pour mieux saisir notre regard. Les 400 coups.
De João Canijo avec Anabela Moreira, Rita Blanco, Madalena Almeida, Cleia Almeida, Vera Barreto, Nuno Lopes, Filipa Areosa, Leonor Silveira, Rafael Morais, Beatriz Batarda, Carolina Amaral, Leonor Vasconcelos, Lia Carvalho
Drame - Portugal / France - 2023 - VOST - 2h07
Mal Viver
Cinq femmes se battent pour continuer à faire vivre un hôtel dont elles ont hérité. L'arrivée inattendue d'une petite-fille sème le trouble, ravivant la haine et les rancœurs entre les propriétaires.
De João Canijo avec Nuno Lopes, Filipa Areosa, Leonor Silveira, Rafael Morais, Lia Carvalho
Drame - Portugal / France - 2023 - VOST - 2h04
Viver Mal
Les événements de Mal Viver vus à travers les yeux des clients de l'hôtel.
De Sébastien Laudenbach, Chiara Malta avec Clotilde Hesme, Laetitia Dosch, Estéban, Patrick Pineau, Claudine Acs, Mélinée Leclerc, Milan Cerisier
Animation Comédie - France / Italie - 2023 - 1h13
Linda veut du poulet !
Linda est injustement punie par sa mère, Paulette, qui ferait tout pour se faire pardonner. Même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Ce poulet que son père avait fait ce jour-là... Mais c'est la grève. C'est partout la grève ! partout la grève !
Après le succès critique du poétique et sensoriel "La jeune fille sans mains", Sébastien Laudenbach revient sur le devant de la scène grâce à un nouveau film d’animation, co-réalisé avec Chiara Malta, avec qui il avait déjà pu collaborer sur des courts métrages. Sans surprise, l’inventivité formelle est toujours présente, entre simplicité et expérimentation. Mais ce qui surprend un peu plus, c’est la tonalité de l’ensemble, très nettement placée du côté de l’humour, à l’image de ce titre aussi factuel que comique. Linda, c’est une petite fille qui vit dans les grandes tours d’une résidence où toutes ses copines du quartier habitent également. Elle adore le jaune, c’est sa couleur préférée, et trouve tellement jolie la bague de sa mère. Mais celle-ci ne veut pas que son enfant la prenne à l’école, par peur de ne jamais revoir le bijou. Et c’est ce qui arriva un jour, l’anneau disparaît. Aucun doute, sa fille est coupable et sera donc punie. Sauf qu’après une courte enquête, il s’avère qu’elle était innocente, ce qui lui offre le droit de réclamer ce qu’elle veut. Et si beaucoup auraient demandé des jouets ou des biens très chers, cette gamine-là ne désire qu’une seule chose : du poulet aux poivrons… De ce postulat absurde, le duo de cinéastes en tire une aventure haute en couleurs et rebondissements. Surtout, derrière cette apparente dérision, se cache une réalité bien plus tragique : ce plat, c’était celui de son défunt paternel. Par ce geste, l’enfant cherche à renouer avec son père dont elle se demande parfois s’il peut l’entendre depuis là où il est. Aussi candide que déchirant. Et si vous pensez que répondre à cette requête est relativement simple, vous vous trompez. Car c’est la grève, la grève générale ! Tout est fermé. Paulette va embarquer sa progéniture dans des pérégrinations complètement barrées à la recherche de la fameuse volaille, invitant dans leur périple un policier pas très sûr de lui, une sœur colérique dont le yoga ne semble pas l’apaiser, un maraîcher romantique et riche en pastèques ou encore une armée de bambins particulièrement excités. Pure comédie, le film est aussi le portrait d’une enfance écorchée, entre les blessures qui ne guérissent jamais et les rêveries encore autorisées par le jeune âge. Tout en détournant certaines images pour les plonger dans leur univers, et en s’appuyant sur des dialogues mordants, Chiara Malta et Sébastien Laudenbach signent une œuvre solaire, au rythme effréné, et à l’animation virevoltante. Abus de ciné
De SCHETTINI Alejo, SODERGUIT Alfredo, CUTLER Samantha, SNADDON Daniel, ROHLEDER Sonja, TIKUNOVA Vasilisa
Animation - Grande-Bretagne - 2023 - 37min
LES TOUROUGES ET LES TOUBLEUS
Sur une lointaine planète vivaient Édouard et Jeannette, un Toubleu et une Tourouge. Par un beau matin, ces deux-là tombèrent amoureux. Malheureusement pour eux, les Tourouges et les Toubleus ne se mélangent pas, et bien plus encore : ils se détestent ! Par les créateurs du Gruffalo et de Superasticot, d’après le livre illustré de Julia Donaldson et Axel Scheffler.
Ce programme de courts métrages est une belle invitation à la tolérance. De Russie, d'Allemagne, d'Uruguay et du Royaume-Uni, la diversité géographique de ces films répond joliment à l'éloge de la différence et du vivre-ensemble que l'on retrouve dans le programme. Les trois courts métrages qui précèdent le film principal proposent dans une animation 2D des histoires autour de l'acceptation de la diversité et de la découverte de l'autre, comme dans La Fiesta, où un oiseau noir et un oiseau blanc vont tenter de se faire accepter au sein d'une fête où tous les oiseaux se ressemblent et ne sont guère ouverts à la différence, en apparence... Les films complètent parfaitement le film phare du programme, Les Tourouges et les Toubleus, nouvelle production de la société britannique Magic Light Pictures adapté un livre de Julia Donaldson et Axel Scheffler (Le Gruffalo, Monsieur Bout-de-Bois…). Les Tourouges et les Toubleus met en scène deux communautés qui s'opposent par leur manière de vivre et leur couleur de peau. Une loi édictée de part et d'autre impose le fait que les Tourouges et les Toubleus ne peuvent vivre ensemble — ils sont d'ailleurs séparés par une frontière physique, puisqu’une ligne de pierres délimite les espaces de vie de chacune des familles. L'histoire reprend dans un premier temps la thématique shakespearienne de Roméo et Juliette de familles viscéralement séparées, mais qui sont amenées à faire cause commune dans une seconde partie du récit. Lorsque les deux clans antagoniques embarquent ensemble en fusée pour voyager d’une planète à l’autre à la recherche de leurs enfants respectifs, ils découvrent des êtres différents qui ne sont des monstres qu'en apparence, à l’image de leurs préjugés que les deux familles finiront par dépasser. Le film propose ainsi un bel éloge de la différence et du vivre-ensemble dans une animation en 3D soignée qui souligne les textures de nos héros extraterrestres. Quant à la narration, elle est menée par une voix off féminine qui s’exprime en rimes et nous permet d’entrer immédiatement dans l'univers du conte. Un joli programme à découvrir en famille ! Benshi
De Cédric Kahn avec Arthur Harari, Arieh Worthalter, Nicolas Briançon, Stéphan Guérin-Tillié, Maxime Canat
Historique Policier Drame - France - 2023 - 1h56
Le Procès Goldman
En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.
Rencontre avec Yann Dedet, monteur du film mais aussi de Truffaut, Pialat..., le 19 octobre à 20h, en partenariat avec l’ADRC.
À sa manière, Pierre Goldman était une légende. Que les moins de 20 ans ne connaissent sans doute pas. Car ce juif laïc, intellectuel, militant d’extrême gauche, écrivain et braqueur, se rattache surtout à une époque, celle des années 1960 et 1970, où l’idéal d’une révolution était à portée de main et faisait vibrer une masse de personnes. En novembre 1975, s’ouvre à Paris son deuxième procès. Condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, Goldman en reconnaît trois, mais pas le quatrième, ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes et pour lequel il clame son innocence. Peu avant ce nouveau procès, retentissant, suivi de près par toute la presse de l’époque, il a écrit un livre à succès, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, qui en a fait une figure emblématique de la gauche intellectuelle. Dans le public venu le soutenir, on compte Simone Signoret et Régis Debray, ancien camarade de guérilla en Amérique du Sud. Tumultueuse, à la fois remarquable et minable, l’existence de ce révolutionnaire devenu mi-flambeur, mi-zonard aurait pu nourrir un biopic romanesque. Cédric Kahn a préféré s’en tenir au compte rendu du procès, restituant ce qui s’y est dit, tout en s’autorisant parfois quelques libertés. Ce qui frappe d’emblée, c’est la verve de l’accusé, son éloquence sèche, nerveuse, sa dialectique fascinante, teintée d’un je-ne-sais-quoi de délirant. Un tribun cinglant et un peu paranoïaque (Arieh Worthalter, formidable d’humanité, de colère et de bile mêlées), qui en veut à la Terre entière et aurait préféré assurer lui-même sa défense. Il fait peu confiance à ses trois avocats, en particulier au déjà réputé Georges Kiejman (ténor du barreau, disparu tout récemment, le 9 mai dernier, et interprété très finement par Arthur Harari), qui est, à ses yeux, un mondain surtout avide de gloire. Cédric Kahn met en lumière toute la complexité de cet insurgé lucide, qui devance en quelque sorte les jugements qu’on peut porter sur lui, en se livrant à une autoanalyse. Comme un agent double de sa conscience, voire de son inconscience – attrait de l’échec, part suicidaire, etc. On a du mal à le cerner, à savoir s’il est vraiment innocent. Nous voilà à la place très délicate du juré : c’est le choix fort opéré par le réalisateur. Qui montre à la fois la nécessité juste des règles de la justice tout en pointant ses limites, son incapacité à saisir l’indicible de la vérité ou le fait même qu’elle puisse être multiple. Le Procès Goldman est captivant, passionnant, à plus d’un titre. Comme lecture de cette période bouillonnante, des débats agitant le militantisme d’alors, de ses espoirs, dérives et trahisons. Et comme chambre d’écho saisissante du présent, sur les méfaits de la police, le racisme, l’antisémitisme, la société du spectacle. Quant au passé plus ancien, celui de la Seconde Guerre mondiale, de la Shoah, de la résistance héroïque en France d’immigrés communistes, il est aussi présent dans le film et en constitue sans doute la clef essentielle. Pour mieux appréhender le fiasco d’un révolté assoiffé de pureté, produit d’une Histoire le dépassant, pieds et poings liés à elle. Télérama
De Pierre Jolivet avec Céline Sallette, Nina Meurisse, Pasquale D'Inca, Adrien Jolivet, Julie Ferrier, Jonathan Lambert, Eric Combernous, Françoise Comacle, Hervé Mahieux, Clémentine Poidatz, Benjamin Broux
Thriller Drame - France / Belgique - 2023 - 1h48
Les Algues vertes
À la suite de morts suspectes, Inès Léraud, jeune journaliste, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, parviendra-t-elle à faire triompher la vérité ? Adaptation des algues vertes - l’histoire interdite, la bande dessinée d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, tirée de l'enquête menée par Inès Léraud sur le scandale des algues vertes.
Rencontre avec ATTAC et La Ligue des Droits de l’Homme.
Pierre Jolivet a dû ruser pour réaliser Les Algues vertes, brûlot entre film militant et thriller, dont il a cosigné le scénario avec Inès Léraud. Cette journaliste connaissait déjà l’histoire puisque c’est elle qui a révélé le scandale écologique causé par l’agriculture intensive, une lanceuse d’alerte incarnée par Céline Sallette dans ce film aussi palpitant que bien documenté. « J’ai vite compris que le sujet est encore très sensible en Bretagne, raconte Pierre Jolivet à 20 Minutes. Certains agriculteurs nous accueillaient à bras ouverts et d’autres nous claquaient la porte au nez parce qu’ils craignaient qu’un nouveau coup de projecteur sur cette affaire nuise à leur gagne-pain. » Le réalisateur a donc dû ruser pendant le tournage qui s’est principalement déroulé dans le Finistère Nord et autour de Saint-Brieuc. Un style « guérilla » « Pour filmer les ramasseurs d’algues, je faisais semblant de me concentrer sur ma fille de 24 ans qui prenait des poses de mannequin, se souvient-il. Mais nous avons dû plier bagage après avoir été repérés. » Pierre Jolivet raconte avoir eu aussi du mal à obtenir des autorisations pour ses prises de vues. « Des élus locaux, qui soutenaient le projet, nous ont conseillé de travailler avec la caméra à l’épaule, précise-t-il. Si elle n’est pas posée sur un pied, on n’a pas besoin de permis. » Cela donne un côté petit « guérilla » fort bienvenu à la mise en scène de cette histoire pour laquelle le réalisateur dit s’être inspiré de la bande dessinée Algues vertes, l’histoire interdite de Pierre Van Hove et Inès Léraud (parue en 2019 aux Editions Delcourt). « Devoir sans cesse être sur le qui-vive avait quelque chose d’excitant, avoue Pierre Jolivet. Comme si nous revivions un peu l’expérience de l’héroïne. On nous a parfois mis des bâtons dans les roues, mais nous avons aussi trouvé énormément de Bretons prêts à nous aider. » Le succès des nombreuses avant-premières qui se sont déroulées en Bretagne rend le cinéaste optimiste. « Quelques agriculteurs sont intervenus lors d’un débat mais il s’agit d’un épiphénomène, confie-t-il. Dans l’ensemble, nous avons été très bien reçus. » Il devrait être aussi enthousiaste dans le reste de la France, en tout cas cette œuvre passionnante le mérite. 20 Minutes
De Roland Nurier
Documentaire - France - 2023 - VOST - 1h41
Yallah Gaza
Gaza est un petit territoire palestinien de 40 km x 12 km où vivent plus de 2 millions de personnes. La population est complètement enfermée depuis 2007 par Israël et régulièrement bombardée au mépris de toutes les règles de Droit International et conventions des Nations Unies. La société y est encore structurée et organisée mais pour combien de temps ? Les nombreux témoignages des Palestiniens de Gaza sont mis en perspective avec les analyses de responsables politiques locaux, d’historiens, de journalistes, d’Israéliens, de juristes spécialistes de Palestine/Israël. Les gazaoui-e-s parlent de leur quotidien, de géopolitique, de religion, de sionisme, de droit international, bref de tous les éléments nécessaires à la compréhension du vécu de cette société palestinienne et de son environnement si anxiogène. Appréhender leur résilience pour que le désespoir ne s’installe pas et comprendre comment se transmet de génération en génération cette flamme de la culture et de la terre ?
Rencontre avec Sarah Katz, protagoniste du film, membre de l’Union Juive pour la Paix.
Séance proposée par Culture de Palestine.
- Légendes des pictos :
- Séance suivie d'une rencontre |
- Sous-titrage sourds et malentendants |
- VF Version française |
- Séance précédée ou suivie d'un repas