Films du mois

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  • Légendes des pictos :
  • Séance suivie d'une rencontre |
  • Sous-titrage sourds et malentendants |
  • VF Version française |
  • Séance précédée ou suivie d'un repas
Sortie nationale

De Sergei Loznitsa avec Aleksandr Kuznetsov, Александр Филиппенко, Анатолий Белый, Andris Keišs, Vytautas Kaniušonis, Valentin Novopolskij, Ivgeny Terletsky, Orests Paško
Historique Drame - France/Allemagne/Pays-Bas/Lettonie/Roumanie/Lituanie - 2025 - VOST - 1h58

Deux procureurs

Union Soviétique, 1937. Des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l’une d’entre elles arrive à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Il se démène pour rencontrer le prisonnier, victime d’agents de la police secrète, la NKVD. Bolchévique chevronné et intègre, le jeune procureur croit à un dysfonctionnement. Sa quête de justice le conduira jusqu’au bureau du procureur-général à Moscou. A l’heure des grandes purges staliniennes, c’est la plongée d’un homme dans un régime totalitaire qui ne dit pas son nom.

Sergei Loznitsa est un cinéaste volubile et percutant, habitué à provoquer les émotions et les ressentiments politiques de ses spectateurs. À la façon d’un Montesquieu, il est sans doute plus aisé de s’appuyer sur des éléments historiques, a fortiori repris dans un roman, pour parler de l’actualité russe. Car Deux procureurs se situe en pleine purge stalinienne, à une époque où les arrestations sommaires étaient fréquents. Il ne fallait pas grand-chose pour être assimilé à un opposant du régime, comme le montre en tout début de film les tonnes de lettres qu’un prisonnier, récemment débarqué, doit brûler dans un poêle. C’est un euphémisme que d’affirmer que les conditions de détention sont plus que spartiates. Les condamnés arrivent dans le centre pénitentiaire, tordus de douleur, et tous se rhabillent avant d’être conduits dans leur cellule d’une extrême dureté. Sergei Loznitsa propose à la sélection cannoise un film comme épuré de toute sa carrière cinématographique. Après le long, trop long L’invasion, le cinéaste ukrainien vient à l’essentiel, débarrassé de toute scorie esthétique ou intellectuelle. Il y a dans cette œuvre quelque chose de presque théâtralisé avec cinq actes de durée égale qui font peu à peu éclore la cruauté de la situation pour le héros. Car le personnage principal n’est pas un militant politique en dépit de l’ouverture du long-métrage. C’est un procureur chargé d’étudier les conditions d’emprisonnements des détenus qui en font la demande. Le jeune homme, rempli d’idéaux démocratiques, débarque dans une prison d’État où la maltraitance et l’indignité constituent le quotidien des habitants de ce lieu d’enfermement sordide. Après avoir été reçu par l’adjoint de direction, puis le directeur, il est enfin introduit auprès du militant incarcéré qui lui conseille de se rendre auprès du procureur général afin lui faire part des atteintes quotidiennes à la démocratie pour des millions de citoyens. On ne dévoilera pas l’issue qui, en plus d’être d’une franche cohérence, renforce la diablerie humaine qui règne dans ce film drôle et cruel. Il ne faut pas s’attendre à des voltiges chevaleresques, des mouvements de caméra dans tous les sens. Le film est construit dans une série de dialogues, à l’exception des pénétrations dans l’intérieur de la prison où chaque mètre carré est barré d’une porte avant de déboucher sur des couloirs et des escaliers interminables. Les gardiens ressemblent au Minotaure d’un labyrinthe de béton conçu pour humilier et rendre fous ceux qui se retrouvent enfermés à leur insu. La loi qui y règne est instaurée de façon arbitraire par des cadres corrompus, adossés à un régime barbare. La mise en scène apparemment dépouillée démontre qu’à près de soixante ans, le cinéaste est parvenu à une virtuosité exceptionnelle qui lui laisse toute latitude pour se centrer sur l’essentiel : le récit et les personnages. Le jeune procureur fait face à des fonctionnaires zélés qui en quelque sorte protègent leur vie en appliquant des règles absurdes ou en faisant régner la terreur. L’arbitraire de toute dictature est formidablement mis en image, avec de surcroît une démonstration que la vraie dictature s’impose quand c’est tout un système qui décide de sa légitimité. Sergei Loznitsa installe dans son récit une forme d’épouvante qui s’installe dès les premières minutes où l’on voit les prisonniers maigres se tordre de douleur dans leurs pantalons déboutonnés. Il n’hésite pas à invoquer le burlesque avec une blessure liée à des tortures dont personne ne pourrait réchapper, ou le tragi-comique pour mieux dénoncer la brutalité d’un régime communiste sans foi ni loi. Le rire n’est jamais loin, sauf qu’il s’agit d’un rire jaune, sarcastique, qui rend d’une tragédie du monde passée et à venir. Le réalisateur endosse le costume du politique, du visionnaire et du philosophe, avec cette balade terrifiante dans la manière d’exercer le pouvoir. Le propos adopte les tics, les ressources de la scène, comme pour permettre au spectateur de prendre le recul nécessaire devant une telle désolation humaine. La musique elle-même fanfaronne au sens premier du terme, pour annoncer que derrière le théâtre joué, se trouve celui d’une vraie vie où nombre de victimes sont sacrifiées au seul motif de la puissance de quelques-uns. Après le documentaire froid et effrayant sur L’Invasion, Sergei Loznitsa se plonge donc dans la barbarie d’un temps passé où l’arbitraire semblait le moteur du régime. Bien sûr, le sujet n’aborde absolument pas frontalement la question de l’Ukraine, mais il rend compte d’un système de justice broyé par un autoritarisme sans limite qui conduit aux pires errances. Même le souci de parvenir à faire gagner le droit sur la barbarie semble impuissant, un peu finalement comme le tribunal pénal international dont d’ailleurs le protagoniste fait référence en brandissant les principes généraux du droit romain, qui assiste impuissant à la remise en cause de l’indépendance ukrainienne et la destruction de peuples qui n’ont pas demandé à mourir et à perdre leur maison. Et même la musique ne parvient pas à sauver le monde, c’est peu dire. à Voir à Lire
Sortie nationale

De Laura Carreira avec Joana Santos, Inês Vaz, Olga Prokopenko, Billy Reid, Neil Leiper
Drame - Grande-Bretagne/Portugal - 2025 - VOST - 1h44

On Falling

Aurora, migrante portugaise, travaille comme préparatrice de commandes dans un entrepôt à Édimbourg, en Écosse. Coincée entre les murs d'un immense centre de distribution et la solitude de sa propre chambre, Aurora cherche à saisir toutes les occasions pour résister à l'aliénation et à l'isolement qui menacent son identité.

Préparatrice de commandes dans un entrepôt à Édimbourg, une jeune femme vit au rythme des cadences chronométrées, des objectifs mouvants, des récompenses dérisoires. Le moindre retard menace, le moindre geste coûte. Le monde autour d’elle bruisse d’une violence silencieuse. Car ce que montre Laura Carreira dans son premier long-métrage, On falling, c’est l’effrayante banalisation d’un modèle logistique mondialisé — celui des entrepôts géants, semblables à ceux d’Amazon — où les cadences sont dictées par des algorithmes invisibles, optimisés pour maximiser les profits en rognant sur le temps, la fatigue, la dignité. L’organisation du travail, entièrement numérisée, traque le moindre ralentissement, impose des rythmes croissants, récompense les « bonnes performances » par des gestes infantilisants (une barre chocolatée, une tape dans le dos), avant de sermonner froidement une baisse de rendement quelques jours plus tard. Cette déshumanisation n’est plus spectaculaire : elle est intégrée, quotidienne, glissée dans les rouages d’une machine qui broie sans fracas. En filmant cette violence diffuse, sans bourreaux identifiables, On Falling rend tangible ce que les discours managériaux s’évertuent à masquer : l’exploitation n’a plus réellement de visage, mais elle n’a jamais cessé. Celles et ceux qui la subissent en ont un, en revanche. Ici, celui d’Aurora, la protagoniste principale, immigrée portugaise dont on ne devinera rien des raisons l’ayant conduite à quitter son pays pour l’Ecosse. On ne saura que ce que l’on voit. Aurora y vit seule, se prive de presque tout, compte ses dépenses pour payer ses factures et partage son logement avec d’autres personnes étrangères, elles aussi venues trouver un de ces emplois dont les Écossais ne veulent pas forcément. Son quotidien est rythmé par la fatigue, la retenue, la peur du basculement. Pourtant, elle résiste – discrètement, dignement – en s’offrant, de temps à autre, une douceur sucrée comme seul réconfort possible. Dans ces petits gestes ordinaires, Laura Carreira filme l’invisible : ce que le travail grignote du lien social, de la santé mentale, de la capacité à simplement être là, à vivre plutôt que survivre. Carreira capte cette précarité dans la matière même du film. Peu de dialogues, peu de mouvements, un cadre resserré autour d’un corps fatigué qui tente de rester debout au gré des journées qui se suivent et se ressemblent. Il n’y a pas de spectaculaire ici, juste l’attention portée à ce qui casse à force de ne pas pouvoir s’exprimer, de ne pas pouvoir s’arrêter. La solidarité est empêchée par la structure même du travail, par l’éclatement des horaires, l’instabilité des équipes, l’impossibilité de créer du collectif tant que les machines tournent et que le scanner dicte la cadence infernale des petites mains silencieuses. On Falling ne montre pas la chute comme événement, mais comme état latent, comme un déclin permanent jusqu’à l’aliénation. Joana Santos, dans le rôle d’Aurora, incarne avec une justesse poignante cette intériorité contrainte. Elle ne surjoue rien, mais laisse affleurer, par fragments, les failles d’un personnage toujours sur le fil. Le film lui laisse le temps, le silence, l’espace pour exister autrement qu’en fonction d’une narration ou d’un message. Comme un prolongement de Sorry we missed you de Ken Loach, impliqué à la production du film, On Falling est une oeuvre modeste mais d’une grande rigueur formelle, sans effets ni surenchère. Dans un monde où la précarité devient structurelle, où l’on chute seul·e, elle dit quelque chose de profond, de politique, sans jamais perdre de vue l’humain. Il faut du courage pour filmer la solitude ainsi, sans détour. Laura Carreira, en cela, sera une cinéaste à suivre avec attention. Le Bleu du Miroir
Sortie nationale

De Kirill Serebrennikov avec August Diehl, Friederike Becht, Dana Herfurth, David Ruland, Carlos Kaspar
Biopic Drame - Allemagne/France - 2025 - VOST - 2h16

La Disparition de Josef Mengele

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Josef Mengele, le médecin nazi du camp d’Auschwitz, parvient à s’enfuir en Amérique du Sud pour refaire sa vie dans la clandestinité. De Buenos Aires au Paraguay, en passant par le Brésil, celui qu’on a baptisé « L’Ange de la Mort » va organiser sa méthodique disparition pour échapper à toute forme de procès.

Avec La disparition de Josef Mengele, Kirill Serebrennikov orchestre une vertigineuse entreprise de déréalisation. Le tyran démiurge, hérité de l’expressionnisme allemand, se fond ici dans la chair du très réel Josef Mengele. Le cinéaste ne se contente pas de représenter : il dissout, évapore, désincarne. Mengele n’est plus un homme, mais une ombre fuyante, un spectre idéologique. Après avoir été le bourreau d’Auschwitz, nous découvrons un Mengele puni par la vie, figure du Mal qui refuse de mourir, alors même que les gouvernements l’ont oublié et que son héritage de haine lutte pour survivre, mais périclite lentement. Le film est ponctué de flash forwards où Mengele, devenu Don Pedro, apparaît comme un vieillard à demi paralysé, reclus dans une maisonnette de bois et de tôle dans une banlieue oubliée de São Paulo. Il y reçoit la visite de son fils, dans une atmosphère de décrépitude. Serebrennikov le montre comme un vampire fatigué, vidé de sa substance. Là où l’expressionnisme allemand donnait naissance à des figures comme Caligari ou Nosferatu, métaphores de l’antisémitisme nourrissant l’imaginaire anti-juif, le cinéaste retourne le genre contre son bourreau. Il déconstruit, déréalise, et expose Mengele comme un comte maudit, tapi dans l’ombre, vivant comme un rat. Le film puise dans la substantifique moelle de l’expressionnisme : décors funèbres, clair-obscur saisissant, ombres oppressantes, silhouettes errantes dans des paysages de désolation. Une image marquante : Mengele face à un épouvantail à son effigie, vêtu d’un uniforme nazi, pendu à un arbre, surgissant du bord du cadre dans un plan d’une précision glaçante. Tout concourt à nous faire dériver dans les confins d’une folie douce, presque contenue. La vraie abjection, et la force du film, réside dans la manière dont Serebrennikov humanise ce monstre réel. Mengele devient un simili M le Maudit, figure tragique et pathétique, traquée par une foule, mais si minable qu’il en vient à supplier sa domestique pour une masturbation contre quelques pesos, impuissant, déchu, caricature grotesque d’un dignitaire nazi dont l’idéologie prônait virilité exacerbée et corps parfait. Le noir et blanc, les contrastes violents entre ombre et lumière, servent à révéler non pas la grandeur, mais la vacuité de cet homme. Le but n’est pas de perpétuer la fascination pour le Mal, mais de déréaliser la grande Histoire. Voir Mengele effrayé par son propre reflet, silhouette maigrelette persuadée du bien-fondé de ses actes, attendant le retour du fantasme nazi comme une revanche fictionnelle du peuple germanique, interroge profondément le spectateur. Le corps décline, mais la conscience demeure : que reste-t-il au fond d’une âme bercée par l’horreur ? Serebrennikov montre, au-delà du récit de clandestinité, comment l’homme reste attaché à la nostalgie de la toute-puissance nazie, au repli identitaire, et reproduit sans cesse le même schéma d’autodestruction. Une folie meurtrière dont le cœur névralgique remonte à 1914 et qui n’a cessé d’anéantir l’Europe puis le monde. Une rupture civilisationnelle, une pulsion suicidaire de l’humanité à se jeter tête la première dans la tempête, jusqu’à recréer, comme des maisons de poupées miniatures, de somptueuses réceptions à la gloire du Führer dans les demeures d’Amérique du Sud, peuplées d’exilés nazis obsédés par l’idée de renaissance. En adoptant le point de vue unique d’un Josef Mengele qui ne quitte jamais l’écran, Kirill Serebrennikov inscrit le personnage dans une forme troublante d’humanité. Mengele devient un vecteur du Mal, diffusant la corruption comme une peste invisible, contaminant corps et âmes, passeurs, fermiers, compagnes, tout en amorçant une lente évaporation de lui-même. Il se retire du monde à contre-cœur, comme si sa vie ne tenait plus qu’à l’électricité résiduelle d’une nostalgie morbide. Mais pour Mengele, Auschwitz représente paradoxalement ses "plus belles années" : il est jeune, marié, père, médecin en pleine ascension. Cette inversion glaçante révèle l’abîme moral dans lequel il évolue. Ce qui est pour nous l’horreur absolue devient pour lui un souvenir heureux. Serebrennikov pousse sa mise en scène à l’extrême, certains diront trop loin, mais cette radicalité est nécessaire pour cerner la psyché du personnage. La seule scène en couleur, filmée en Super 8 granuleux, évoque un film de vacances. Elle surgit comme une anomalie organique, une parenthèse lumineuse et dérangeante. On y voit son amante, des instants volés dans l’unité médicale du camp, défilant sur un air d’opéra chanté par une chorale de prisonniers handicapés. Et surtout, les images de sa "grande œuvre", l’innommable, l’irreprésentable, sont montrées plein cadre, avec une minutie clinique et la complaisance de ses collègues nazis. Cette séquence provoque un dédoublement chez le spectateur : paralysé, incapable de relier les deux facettes de Mengele, entre le bourreau et l’homme qui se regarde vivre. Serebrennikov ose une approche du cauchemar rarement vue au cinéma, avec une matérialité brutale. Cette violence est nécessaire : elle nous rappelle de ne pas céder au regard de Mengele, enfermé ad nauseam dans son propre univers, sa propre cabine intérieure. Il a perdu tout contact avec le réel, avec la physicalité du monde, et transforme l’indicible en extension de lui-même, la quintessence de son œuvre. Mengele incarne le déni du Mal, la réécriture constante de sa vie comme un faux roman, la cristallisation d’une nostalgie identitaire toujours vivace. La disparition de Josef Mengele devient alors un avertissement contre le repli sur soi, contre cette ère où chacun vit dans sa bulle idéologique, avec ses contenus, ses gourous, ses vérités. Serebrennikov atteint ici une dimension presque métaphysique : il annonce Mengele comme un agent pathogène, précurseur de l’ère de la post-vérité, une catastrophe annoncée. Le film pourrait presque se résumer à sa scène d’ouverture, tant elle condense le vertige moral et esthétique qui irrigue toute l’œuvre. Dans une salle de cours d’une université brésilienne, des étudiants en médecine observent leur professeur ausculter le véritable squelette de Josef Mengele, donné à l’État comme objet d’étude, comble du karma pour celui que l’on surnommait l’Ange de la Mort. À la seule évocation de son nom, la présence se densifie, spectrale, presque palpable. Il est là, devant nous, dépouillé de son enveloppe humaine, mais chargé d’une mémoire collective, d’un poids historique que nul ne peut ignorer. Cette scène nous place face à l’impensable : oser regarder le Mal dans les yeux, le toucher du doigt, s’en approcher sans se laisser contaminer. C’est un geste hautement risqué, potentiellement insupportable, flirtant avec les abîmes du discours nauséabond. Mais Serebrennikov parvient à maintenir l’équilibre avec une maîtrise sidérante. Il ne cherche ni à mythifier, à faire de Mengele une figure sanctuarisée par le silence collectif, ni à esthétiser, en enveloppant l’horreur d’un vernis formel qui en atténuerait la portée, mais à exposer, frontalement, ce que l’histoire tente trop souvent d’enfouir. La disparition de Josef Mengele atteint ici une intensité rare : celle d’un cinéma qui ne recule devant rien pour interroger notre rapport au Mal, à la mémoire, à la représentation. Un grand moment de cinéma, au bord du gouffre, mais qui ne tombe jamais dedans. A voir à Lire
Sortie nationale

De Ugo Bienvenu avec Alma Jodorowsky, Swann Arlaud, Vincent Macaigne, Louis Garrel, Oxmo Puccino, William Lebghil, Margot Ringard Oldra, Oscar Tresanini
Aventure Animation - France - 2025 - VF - 1h28

Arco

En 2075, une petite fille de 10 ans, Iris, voit un mystérieux garçon vêtu d'une combinaison arc-en-ciel tomber du ciel. C'est Arco. Il vient d'un futur lointain et idyllique où voyager dans le temps est possible. Iris le recueille et va l'aider par tous les moyens à rentrer chez lui.

A écouter : Ugo Bienvenu, dessinateur et réalisateur (Les midis de Culture, France Culture)

La rédaction connaît bien Ugo Bienvenu pour ses activités de dessinateur de BD. Cette fois, il tente l’aventure du cinéma en s’engageant dans cette œuvre totalement féérique Arco, où il est question de voyage dans le temps, d’amitié, de solidarité et d’écologie. Le début s’ouvre sur un monde magnifique suspendu au-dessus des nuages, où les individus vivent sur des sortes soucoupes avec des jardins luxuriants et des maisons tout aussi belles. Les parents et la sœur du héros, Arco, reviennent d’un voyage en-dessous des nuages, semble-t-il, d’où ils ont apporté une fougère et ont aperçu des dinosaures. Le petit garçon est fasciné et profite du sommeil de ses parents pour se lancer seul dans l’aventure, avec sur le dos une cape arc-en-ciel et un diamant qui équipe le bonnet. Il se retrouve alors propulsé sur la Terre, mais à une époque qui n’a rien à voir avec celle des bêtes préhistoriques. Une nouvelle aventure s’ouvre pour lui et Iris, une habitante, afin qu’il puisse retourner auprès des siens. Arco est un film absolument magnifique, des images naturellement à la musique. L’inventivité est permanente, tout en favorisant une entrée qui pourrait dans cinquante ans devenir la réalité. Les êtres humains composent avec l’Intelligence Artificielle qui est incarnée par des robots bienveillants, capables de remplacer les nounous, les professeurs et les policiers. C’est dire que l’IA est aujourd’hui bien intégrée dans l’imaginaire des réalisateurs tant le nombre de films sur le sujet deviennent nombreux sur les écrans et particulièrement cette année à Cannes 2025, avec notamment le surprenant Dalloway. C’est évidemment pour eux une manière de penser le monde de demain, et de prévenir des dérives évidentes qui pourraient survenir. On imagine bien que la technologie avançant, le cinéma n’aura plus du tout le même visage dans quelques années. Nous avons là à faire avec un petit joyau de poésie, d’imagination et de beauté. Chaque image est travaillée au détail près, sans tomber dans des fioritures inutiles ou des surcharges narratives. La réalisation va à l’essentiel pour parler d’un monde, le nôtre dans cinquante ans, où, si l’on n’y prête pas garde, les possibles seront certes illimités, mais sans doute au mépris des besoins humains primaires. Iris est en effet gardée par un robot certes inoffensif et protecteur, mais l’image virtuelle de ses parents trop absorbés par le boulot n’apporte pas l’affection dont un enfant a besoin. Trois drôles de personnages, taxés de fous, assistent à la rencontre entre Iris et Arco. Ils sont certains d’avoir enfin la preuve que les gens volent et tentent par tous les moyens de faire reconnaître l’évidence, comme quoi même les techniques les plus avancées n’empêchent pas, et c’est heureux, le doute. Ugo Bienvenu réalise une fable philosophique et mystique, ouverte à tout public. Enfants et adultes se retrouveront dans cette farandole d’imagination qui ne se censure jamais. En même temps, le propos échappe à l’intellectualisme suranné, et les délires perchés. Le cinéaste invite le spectateur à se projeter dans un temps à venir, et surtout à comprendre en un instant, la logique quantique. Et c’est là le plus bluffant du film. En une heure trente, en invitant les spectateurs dans le voyage à travers la forêt des deux enfants, on comprend la notion même de temps, si difficile à énoncer quand on n’est pas scientifique. Ugo Bienvenu donne à penser qu’une fraction de seconde peut être une existence entière, suivant le point de vue où l’on se situe. Ainsi, au-delà du plaisir, ce film est une magnifique fenêtre pédagogique sur les questions complexes du temps qui passe, de la nature humaine et de la nécessaire conservation des plantes et des animaux. Ugo Bienvenu nous invite au rêve, à l’enchantement, mais aussi à la réflexion et à la connaissance à travers ce petit miracle du cinéma d’animation. Force est de constater que si liste des films s’allonge tous les ans sur la Croisette, l’animation demeure encore un cinéma de niche. On se souvient pourtant l’an dernier de Flow, qui était juste merveilleux et puissant. Voilà donc un long-métrage dont il ne faudra pas se priver, qu’on soit seul, en couple ou en famille. L’imaginaire sera mis à bonne épreuve. A voir à Lire
Festival Augenblick

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Documentaire Historique Drame - Allemagne/Suisse/Autriche - 2025 - VOST -

Festival Augenblick 2025

Chaque année, en novembre, le Festival AUGENBLICK affirme son ancrage européen et rassemble les cinéphiles de la région Grand Est en France, offrant un panorama unique du cinéma germanophone, des classiques aux nouveautés, consolidant son statut de rendez-vous cinématographique incontournable. Créé en 2005 sous l’impulsion du réseau de cinémas indépendants, AUGENBLICK est porté par l’association le RECIT (Réseau Est Cinéma Image et Transmission).

Reconnu à l’échelle régionale, nationale et européenneAUGENBLICK soutient l’économie de l’audiovisuel et la diffusion de films rares. La 21e édition du Festival se tiendra du 4 au 21 novembre 2025.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Au programme du Cinéma Bel Air : 
- Compétition longs métrages
- Quatre portraits, quatre refus d'obtempérer
- Carte blanche à Rodolphe Burger
- Avant-premières et séances spéciales

Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Johanna Moder avec Marie Leuenberger, Hans Löw, Claes Bang, Julia Franz Richter, Nina Fog
Thriller - Allemagne/Autriche/Suisse - 2025 - VOST - 1h48

Mother's Baby

Une mère n'arrive pas à établir un lien avec son nourrisson.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Julia et Georg sont dans une attraction à sensations dans une fête foraine – s’y envoyer en l’air est aussi excitant qu’effrayant. Le couple expérimente les mêmes sentiments sur la terre ferme, alors que Julia s’apprête à mettre au monde leur bébé tant attendu. La réalisatrice autrichienne Johanna Moder n’a pas peur des archétypes dans ce film aux ingrédients classiques sur la maternité (ainsi que sur tout l’imaginaire paranoïaque et menaçant qui y est lié, dans la vie comme au cinéma). Qu’avez-vous fait à mon bébé ? L’étincelle du doute chez Julia devient un gouffre lorsque celle-ci soupçonne que, définitivement, quelque chose cloche. Dans le cinéma fantastique ou horrifique, on loue souvent la maestria d’une mise en scène ou les surprises d’un scénario malin, mais l’une des clefs du succès est l’interprétation. On croit au trouble de Mia Farrow car Mia Farrow y croit. On croit à l’horreur dont est témoin Ellen Burstyn car Ellen Burstyn y croit aussi. De la même manière, l’Allemande Marie Leuenberger, au jeu dénué d’artifices, nous fait croire à ses doutes car elle y croit elle-même dur comme fer. De manière surprenante et avec une ironie certaine, Johanna Moder et son coscénariste Arne Kohlweyer parviennent à nous convaincre que quelque chose ne va pas en faisant répéter à leurs personnages « tout va bien » comme un mantra. Tout va bien devient la phrase la plus angoissante du film et voilà un excitant pari scénaristique : créer de la tension et de l’inquiétude alors que rien d’explicitement anxiogène n’arrive à l’écran (à part, excusez du peu, le fait d’être mère). Les péripéties sont quasi absentes, il règne un profond silence – c’est précisément dans la retenue dramatique et dans le silence que Moder laisse rentrer toutes les questions et angoisses. Si être mère éveille 1001 doutes chez Julia, la première concernée, le sujet est un non-sujet pour la quasi-intégralité de son entourage. C’est là que Mother’s Baby se raccroche à un drame tout ce qu’il y a de plus réaliste : tout le monde a son mot à dire, tout le monde a un droit de regard, et Julia peut, avec condescendance, être évoquée à la troisième personne même en sa présence. Plus qu’un thriller médical, Mother’s Baby est aussi un drame féministe sur le gaslighting. Tôt dans le film, l’accouchement est filmé à l’aide d’un travelling circulaire. C’est étourdissant, mais c’est aussi un cercle formé sur son sujet, qui ne devrait laisser aucun doute. Johanna Moder fissure ce cercle parfait avec habileté – mais aussi avec générosité. Le dénouement spectaculaire qui pioche dans des sous-genres moins respectés ne sera peut-être pas au goût de tout le monde – tant mieux : c’est là l’un des délices d’un film qui, programmatique sur le papier, parvient finalement à nous emmener avec efficacité là où il le désire. Le polyester
Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Florian Pochlatko avec Luisa-Céline Gaffron, Elke Winkens, Cornelius Obonya, Felix Pöchhacker, Oliver Rosskopf
Drame - Autriche - 2025 - VOST - 1h42

How to Be Normal and the Oddness of the Other World

À sa sortie de psychiatrie, Pia, 26 ans, retourne chez ses parents. Elle n'est pas la seule à dérailler ; eux aussi peinent à s'adapter. Entre emploi abrutissant, rupture amoureuse, prise de cachets et stigmatisation sociale, Pia retrouve un univers tout aussi instable qu'elle. Seul Lenni, 12 ans, partage son sentiment d'aliénation. Puis Pia se transforme en un monstre de 20 mètres menaçant le monde… ou en une héroïne pour le sauver ? Rupture psychotique ? Puissant éveil ?

Rencontre avec l'équipe du film, le dimanche 9 novembre à 18h.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

C'est un travail impressionnant que présente l'Autrichien Pochlatko dans la section Perspectives du 75e Festival de Berlin., d'autant que ce n'est pas qu'un premier long-métrage pour lui, mais aussi pour son chef opérateur Adrian Bidron, qui crée ici un langage visuel riche et multiple. Pochlatko ne veut clairement pas emprunter les sentiers battus du film lourdement dramatique. Inspiré par sa propre expérience des médicaments et par ses discussions avec des patients, il plonge la tête la première dans le point de vue de Pia, montrant ses crises, ses visions et ses angoisses dans toute une variété de formats d'image et les exalte à travers un étalonnage rêveur et un montage nerveux. La frontière est mince, entre la victimisation des personnes neurodivergentes et une romanticisation de leur position qui fait d'eux des individus éclairés capables de briser le cercle vicieux de la "normativité sociétale". Pochlatko suit Pia sans rien cacher ni excuser, tandis qu'elle voit des hommes suspects en costume-cravate partout, rêve de son amour perdu Joni (Felix Pöchhacker) et dépérit intellectuellement dans le travail de bureau que son père lui a trouvé dans son imprimerie. Ses fantasmes n'incluent pas que des agents secrets façon Men in Black, des séquences de cavale chargées en action inspirées de Mission impossible et un sosie d'Ed Sheeran à une fête : Harald Krassnitzer lui apparaît aussi comme un inspecteur de police imaginaire appelé Moritz qui joue de l'amusant parallèle avec le rôle que l'acteur a longtemps tenu dans la série Tatort. Cependant, une question se pose : cette monotonie et cet effort pour s'intégrer n'est-il pas étrangement semblable à ce que vit n'importe quelle personne neurotypique ? "Un jour, tu te réveilles et tu te demandes si tout va continuer comme ça indéfiniment" est une phrase à laquelle n'importe qui peut se rapporter. En chemin, le récit se déplace souvent sur les parents : Elfie qui critique le sensationnalisme des documentaires pour lesquels elle fournit la voix off et semble frôler le burn-out, Klaus dont l'entreprise va bientôt être absorbée par une multinationale, et qui n'a d'autre choix que se soumettre. L'instinct de maintenir l'ordre en place est tout aussi écœurant que la tentation de céder à la crise nerveuse, mais fonctionner malgré elle, pour préserver la façade, semble plus important. Ce film ne cherche pas à proposer une réponse simple sur la manière d'améliorer les choses : Pochlatko cherche à établir des liens pour mieux comprendre les personnes neurodivergentes et souligner qu'arrêter les traitements médicamenteux, comme Pia tente de le faire vers la fin, ne fait qu'aggraver la maladie. Cineuropa
Festival Augenblick - Jeunesse

De Aelrun Goette avec Marlene Burow, Sabin Tambrea, David Schütter, Claudia Michelsen, Jördis Triebel
Drame - Allemagne - 2022 - VOST - 1h41

Dans un pays qui n'existe plus

En RDA, à l'été 1989, une jeune « antisociale » assignée à l'usine découvre la liberté dans le milieu de la mode underground. Ce film en partie autobiographique ressuscite une histoire vibrante, oubliée après la réunification.

Séance scolaire ouverte au public

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Festival Augenblick - 4 portraits, 4 refus d'obtempérer

De Christina Tournatzés avec Elise Krieps, Rainer Bock, Imogen Kogge, Torben Liebrecht, Katharina Schüttler, Robert Hunger-Bühler, Frank Vockroth, Carlotta von Falkenhayn, Ulla Geiger, Ben Braun, Christian Alexander Koch, Luis Vorbach
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h45

Karla

Munich en 1962, Karla, 12 ans, porte plainte contre son père. Elle se lie avec le juge Lamy, qui devient sa lueur d'espoir. La réticence de Karla à révéler toute l'étendue de ses souffrances force progressivement Lamy à lui donner la liberté de raconter son histoire comme elle l'entend, mettant ainsi sa propre carrière en péril.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Le scénario d'Yvonne Görlach, basé sur l'histoire d'une membre de sa famille, donne un film qui écarte tout voyeurisme. Le refus de la vraie Karla de formuler l'indicible est respecté en lui faisant offrir par le juge un diapason qu'elle fera tinter à la place de chaque description d'un « acte indécent ». L'hypervigilance anxieuse d'Elise Krieps créé seule la tension. Festival Augenblick
Festival Augenblick - 4 portraits, 4 refus d'obtempérer

De Stefan Haupt avec Albrecht Schuch, Paula Beer, Maximilian Simonischek, Marie Leuenberger, Sven Schelker, Stefan Kurt, Martin Vischer, Marius Ahrendt, Ingo Ospelt, Gabriel Raab
Drame - Suisse/Allemagne - 2025 - VOST - 1h39

I'm Not Stiller

James White est un jeune Américain d'origine suisse. De retour au pays, il est identifié comme étant Anatol Stiller, un sculpteur recherché depuis sept ans pour une affaire d'espionnage. White nie être Stiller. Tous, y compris Julika, l'épouse de Stiller, sont convaincus qu'il ment. L'enquête en révèle toujours plus sur la relation homme/femme au sein de ce couple. Mais, et si Stiller avait quand même vraiment un sosie ?

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Ce film quasi hitchcockien questionne le thème de l'identité cher à Max Frisch, dont voici une adaptation du roman éponyme. Il oblige le spectateur à réfléchir au concept de réalité et à ses limites. Et si le langage ne suffisait pas à l'exprimer ? Et si le couple, tel que le veut la société hétéropatriarcale, n'était qu'un affichage épuisant ? Festival Augenblick
Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Lisa Brühlmann avec Paula Rappaport, Malou Mösli, Lisa Brühlmann, Carlos Leal
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h41

When We Were Sisters

1996, Valeska, 15 ans, part en vacances en Crète avec sa mère, le nouveau petit ami de sa mère et la fille de cette dernière. Valeska est d'abord réticente, mais peu à peu, les deux filles apprennent à se connaître et à s'apprécier. Alors qu'elles deviennent aussi proches que des sœurs, la relation de leurs parents est beaucoup plus fragile.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Tout semble opposer Valeska et Lena : l’une, l’aînée, est extravertie et rebelle ; l’autre, plus jeune, est réservée et effacée. Pourtant, lorsque leurs parents, unis par une histoire d’amour naissante, décident de les emmener en vacances sur une île grecque pour rapprocher leurs familles, la cohabitation forcée prend une tournure inattendue. Ce qui débute comme une simple contrainte évolue lentement en une complicité sincère. Révélée par le saisissant «Blue My Mind», Lisa Brühlmann propose, avec «When We Were Sisters», un nouveau récit d’une grande finesse. Le film saisit avec une bouleversante justesse le chaos de l’adolescence: ses doutes, ses révoltes muettes et ce sentiment de vertige lancinant qui accompagne la quête d’identité. Des souvenirs universels abordés avec brio à travers les thèmes de la construction de soi, du désir d’appartenance, et de cette prise de conscience soudaine : les parents ne sont, eux aussi, que des êtres humains. L’ambiance du film joue un rôle central : des teintes pastel, un hôtel grec au charme désuet, ses murs écaillés, et le chant des cigales en toile de fond composent un décor empreint de nostalgie. Dans ce monde encore épargné par les téléphones portables, les silences pesaient et les conversations ne pouvaient s’éluder d’un simple geste. Les années 90, choisies comme cadre, ne sont pas anodines : elles imposent une proximité, rendent les confrontations inévitables, et intensifient les liens qui se tissent — ou se déchirent. «When We Were Sisters» est un film paisible, mais d’une rare profondeur. Il ne donne jamais l’impression d’être une simple fiction: il semble, au contraire, traversé, vécu. On ressent à quel point les personnages comptent pour Lisa Brühlmann — et c’est sans doute là que réside toute la force de son œuvre. Pas de drame outrancier, ni de tragédie appuyée : seulement la vie, dans ce qu’elle a de déroutant et de beau, lorsque l’on la découvre pour la première fois. Cinéman
Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Franz Müller avec Katharina Derr, Àlex Brendemühl, Leonidas Emre Pakkan, Lana Cooper, Jürgen Rißmann, Matthias van den Berg, Stefan Lampadius, Rona Regjepi
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h44

All That's Due

À 30 ans, Mira a réussi sa vie, avec son mari Tarik et leurs filles. Elle vient de reprendre la direction d'un supermarché, ce qui fait rire sa mère qui la trouve bien « pragmatique » tout à coup. Quand Robert, son ex-beau-père, lui prête 80 000 euros, Tarik les investit en secret dans une cryptomonnaie douteuse... et les perd. Mira n'ose rien dire à Robert. Ce moment de faiblesse entraîne d'autres mensonges, jusqu'à ce que tout lui explose au visage.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Ce drame familial ne se résume pas à un jeu de mensonges ; le réalisateur, lui-même issu d'une famille de la classe moyenne et qui a étudié auprès de Gerhard Richter et d'Oswald Wiener, s'attache à dénoncer les préjugés très ancrés envers ceux qui ne gagnent pas leur vie avec une activité socialement valorisante. Festival Augenblick
Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Lauro Cress avec Giulio Brizzi, Livia Matthes, Ladina von Frisching, Ludwig Blochberger, Wesley Dean Adler
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h44

Ungeduld des Herzens

Isaac est soldat, il passe la soirée au bowling. Il y rencontre Ilona dont il s'éprend. Pour rendre jalouse Ilona, Isaac flirte avec sa sœur Edith qui est restée prostrée à sa table. Par jeu, il la tire du banc vers les pistes, elle s'effondre. Il remarque alors le fauteuil roulant à côté d'elle. Le lendemain, pour se rattraper, il déclare ses sentiments à Edith, et affirme même son espoir qu'elle remarche un jour. Mais la méfiance d'Edith et l'obsession d'Isaac de la guérir les entraîne dans le malheur.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

En 1939, Zweig, alors en exil, écrit le roman éponyme, désespéré de voir ressurgir les forces destructrices qui avaient déjà mené à la guerre. Lauro Cress transpose habilement le récit dans le présent d'un soldat de la Bundeswehr au nom évocateur d'Isaac Nasic. Festival Augenblick
Festival Augenblick - Compétition longs métrages

De Frédéric Hambalek avec Laeni Geiseler, Julia Jentsch, Felix Kramer, Mehmet Ateşçi, Moritz von Treuenfels, Sissy Höfferer, Victoria Mayer, Nadja Sabersky, Marion Mitterhammer
Comédie - Allemagne - 2025 - VOST - 1h26

La gifle

Julia et Tobias forment un couple parfait... apparemment. Derrière l'harmonie de façade, les ennuis se préparent : bizarrement, sous l'effet d'une gifle, Marielle, leur fille de 12 ans, a développé un don télépathique lui permettant de voir tout ce que font ses parents. Julia et Tobias réalisent que les mensonges qu'ils se racontent ne peuvent plus lui être cachés. Lorsque leurs secrets les plus gênants sont révélés, le couple s'essaye à un jeu de manipulation qui les précipite dans des situations toujours plus absurdes.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Autres titres : Marielle, la jeune fille qui en savait trop / Was Marielle was

Basé sur le comique de situation et sur une idée a priori farfelue, le film de Frédéric Hambalek, tout en restant léger et drôle, aborde les questions sérieuses du mensonge, de la notion de vérité et de la validité systématique de la sincérité. Festival Augenblick
Festival Augenblick - Avant-première

De Fatih Akin avec Jasper Billerbeck, Diane Kruger, Kian Köppke, Laura Tonke, Hark Bohm
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h33

Une enfance allemande - Île d'Amrum, 1945

Printemps 1945, sur l’île d’Amrum, au large de l'Allemagne. Dans les derniers jours de la guerre, Nanning, 12 ans, brave une mer dangereuse pour chasser les phoques, pêche de nuit et travaille à la ferme voisine pour aider sa mère à nourrir la famille. Lorsque la paix arrive enfin, de nouveaux conflits surgissent, et Nanning doit apprendre à tracer son propre chemin dans un monde bouleversé.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Sur l’île du titre, lointaine, balayée par le vent, Nanning (un magnétique Jasper Billerbeck), 12 ans, évolue dans la beauté rude de ces paysages avec une détermination qui dépasse ses années. Il traque des phoques dans les eaux tempétueuses, pêche au clair de lune et travaille la terre pour aider sa mère, Hille (Laura Tonke), à nourrir la famille tandis que la guerre tremble et s'écroule autour d'eux. Malgré l’austérité de mise, la vie sur l'île garde un air d'innocence, voire de splendeur. Mais à mesure que la victoire des Alliés approche, nos personnages sentent que les choses ne seront plus jamais pareilles. Billerbeck, ici pour la première fois dans un rôle important, est une révélation. Il injecte en Nanning la juste dose de candeur, d'obstination et de vitalité, saisissant l’éventail émotionnel d'un garçon jeté dans un monde façonné par la nécessité de se battre pour survivre, l’ambiguïté morale et la trahison. Tonke est tout aussi convaincante, et propose le portrait tout en nuances d’une mère qui fait face au deuil et au désespoir. Les acteurs secondaires ajoutent de la profondeur et de la complexité. Par exemple, Lars Jessen, qui joue un rôle petit mais essentiel, est glaçant dans le rôle de Papy Arjan (un nazi loyal jusqu'au bout) : il symbolise la manière dont une idéologie peut persister, longtemps après la défaite. La photographie, confiée à Karl Walter Lindenlaub, mise sur des teintes froides, dominées par le bleu, pour refléter la température émotionnelle de l'histoire. Le ciel, tantôt limpide et serein, tantôt menaçant et nuageux, devient un narrateur subtil de la tension qui règne sur l'île et de son isolement. La caméra s’attarde sur des plages désertes et des champs dépouillés, ce qui dégage une impression de beauté hantée par la terreur. Le côté très pur du film (mais dans le sens de net, sans connotation sentimentale) est probablement un des accomplissements les plus frappants du film. Akin et Bohm ont composé un contexte riche en tension dramatique : le moment de la chute de l’Allemagne nazie, la vague promesse d'une liberté nouvelle, la phase difficile de l'adolescence d'un garçon pris en étau entre enfance et âge adulte. À l'intérieur de ce microcosme, Une enfance allemande - Île d'Amrum, 1945explore plus que la perte de l'innocence : il scrute la redéfinition de la moralité quand un régime s'écroule. C’est une histoire de survie, un récit chargé de vérités inconfortables qui parle aussi de grandir entouré de silence et de complicité. Les autres contributions techniques rehaussent la qualité du scénario au lieu de l'engloutir : les décors de Seth Turner sont discrets mais immersifs ; le travail sur le son de Joern Martens souligne subtilement la texture de la vie sur l'île ; la musique instrumentale délicate composée par Stefan “Hainbach” Götsch ne s'impose jamais : elle ne romantise jamais le combat, mais reste tout du long en phase avec la sensibilité brute du film. En somme, le nouveau film d'Akin est un récit sincère et visuellement marquant. Il n'apporte pas de réponses faciles, mais il n'a pas besoin de le faire. Sa force réside dans son honnêteté, son regard déterminé et la manière poétique dont il rend l'espace fragile entre jeunesse et idéologie, nature et violence, mémoire et histoire. Cineuropa
Festival Augenblick , Les Mardis de l'Architecture

De Mariette Feltin
Documentaire - France - 2023 - VOST - 52min

BERLIN MON VILLAGE FANTOME

Il était une fois un village tombé dans les oubliettes de l’Histoire, celui du secteur français allié de Berlin Ouest. J’ai grandi dans cette communauté d’expatriés militaires et civils, au temps de la Guerre Froide. Aujourd’hui, je retourne à Berlin à la recherche des traces de cette vie révolue. Mes souvenirs subjectifs et l’Histoire officielle s’entrecroisent dans cette ville en continuelle reconstruction. Mariette Feltin

Rencontre avec Mariette Feltin, réalisatrice, et Sarah Favrat, chargée de projet à l'agence Formats Urbains

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

En partenariat avec Focus Films Grand Est

Film précédé du court métrage : Balkone (5') de Xenia Smimov
Festival Augenblick - 4 portraits, 4 refus d'obtempérer

De Maria Brendle avec Julia Buchmann, Stefan Merki, Rachel Braunschweig, Maximilian Simonischek, Liliane Amuat, Marlene Tanczik, Sophie Angehrn, Roger Bonjour, René Grünenfelder, Aaron Hitz, Peter Hottinger, Rahel Hubacher
Historique Drame - Suisse - 2024 - VOST - 1h47

Friedas Fall

En 1904, une affaire secoue la Suisse : celle de Frieda Keller. Ancienne victime d'un viol, cette couturière de 25 ans a tué son fils Ernstli, dont le père était son agresseur, et a enterré le corps de l'enfant de cinq ans dans la forêt. Malgré les protestations de la population, Frieda est d'abord condamnée à mort à l'issue d'un procès public à Saint-Gall devant des centaines de spectateurs, avant d'être "graciée" d'une peine d'emprisonnement à vie en isolement.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Le premier long-métrage de la réalisatrice zurichoise Maria Brendle relate le parcours juridique de Frieda Keller, jeune mère accusée du meurtre de son enfant. Basé sur un triste fait divers bien réel survenu au tout début du XXe siècle dans la région de Saint-Gall, Friedas Fall, adapté du roman Die Verlorene de Michèle Minelli (ici coscénariste), entend surtout brosser le portrait d’une époque, d’une société et d’un système profondément misogyne, au sein duquel une personne pourtant coupable d’un crime atroce, peut également, avec le recul, être considérée comme une victime. Là était donc le principal défi, intelligemment relevé, de la réalisatrice. Réussir à susciter de l’empathie pour une figure d’emblée moralement condamnable. Elle y parvient en s’attardant sur les protagonistes gravitant autour de l’héroïne (fort impressionnante Julia Buchmann), qui s’y intéressent et qui, comme le spectateur par leur biais, tentent de comprendre son parcours ainsi que les circonstances qui ont mené au drame. Même si certains sont parfois un peu caricaturaux ou semblent trop envisagés par le prisme de l’époque actuelle et le recul moral que permettent plus de cent ans de progrès politiques et sociétaux. Le soin apporté aux costumes, aux décors et à tout ce qui touche à la reconstitution historique est également remarquable et offre un bel écrin à l’excellent travail du directeur de la photographie Hans G. Syz (également producteur). Une des plus belles réussites du cinéma helvétique récent. La Liberté
Festival Augenblick - 4 portraits, 4 refus d'obtempérer

De Edgar Reitz avec Edgar Selge, Aenne Schwarz, Lars Eidinger, Michael Kranz, Antonia Bill, Barbara Sukowa
Historique Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 1h44

Leibniz - Chronicle of a Lost Painting

Par dévotion pour son ami l'illustre Gottfried Wilhelm Leibniz, Sophie-Charlotte de Hanovre, commande que l'on réalise son portrait. Imaginerait-on que ce polymathe obsédé par l'idée de tout comprendre prenne simplement la pose, sans que le face à face avec les peintres qui se succèdent au chevalet ne se mue en questionnement du sens de l’art, des mystères de l’amour et de la vérité ?

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Deux peintres vont essayer de faire le portrait de Leibniz qui représentent deux conceptions de l'art et du cinéma qu'a Reitz. Si le premier peintre qui accepte la mission, un Français au nom pompeux de Hofmaler Delalandre (interprété par Lars Eidinger), s'y casse le nez, la Flamande Aaltje van de Meer (Aenne Schwarz) va réussir l’impossible. Le portrait en question n'est jamais montré au spectateur, comme si l’acte de création était plus important que l'œuvre à laquelle il aboutit. On parlait aussi de manières différentes de comprendre le cinéma. Prenons le premier artiste, Delalandre, vaniteux, conformiste, et aussi ridicule que les costumes de l’époque (nous sommes au début du XVIIIe siècle, une époque de pouvoir absolu différente de la nôtre où les tenues étaient assez grotesques) : il incarne la stupidité de certains réalisateurs modernes – il a par exemple l’audace de demander à un des plus grands penseurs du monde de chercher de ne penser à rien pendant qu’il travaille (à ce moment-là, les spectateurs intelligents de la salle ont ri). Van De Meer, en revanche, est une artiste en quête de vérité qui ne s’arrête pas aux conventions formelles de l’époque. C’est probablement en elle que se reconnaît le maestro Edgar Reitz. Leibniz – Chronicle of a Lost Painting est donc beaucoup de choses à la fois. C’est un film qui cherche à exposer la pensée de Leibnitz de manière claire, pour informer le spectateur curieux. C’est aussi une réflexion sur différentes manières de concevoir l’art, comme nous l’avons dit. Et puis c'est également une œuvre qui célèbre l'art du cinéma. Une séquence magnifique où la lumière règne en maîtresse, parvient à révéler une amera obscura sur la toile, sur laquelle Van Der Meer ne tarde pas à dessiner le visage de séraphin de Leibniz. Une image magnifique qui réunit symboliquement art et philosophie, un devoir auquel, selon Reitz, le cinéma commercial a renoncé depuis longtemps. Heureusement, il existe encore de vieux maestros. Cineuropa
Festival Augenblick - Avant-première

De Mascha Schilinski avec Luise Heyer, Lena Urzendowsky, Claudia Geisler-Bading, Lea Drinda, Hanna Heckt
Drame - Allemagne - 2025 - VOST - 2h39

Les Échos du passé

Quatre jeunes filles à quatre époques différentes. Alma, Erika, Angelika et Lenka passent leur adolescence dans la même ferme, au nord de l'Allemagne. Alors que la maison se transforme au fil du siècle, les échos du passé résonnent entre ses murs. Malgré les années qui les séparent, leurs vies semblent se répondre.

Tarif : 5 € / gratuit pour les étudiants munis d'une Carte culture (Carte d'étudiant avec sticker CC)

Premier film, premier choc. Choisi pour lancer la compétition ce mercredi 14 mai, Sound of Falling marque les débuts de Mascha Schilinski au Festival de Cannes et donne d’emblée, outre le vertige, l’envie de prendre ce pari : il figurera au palmarès, d’une façon ou d’une autre. Fascinant, le long métrage entremêle, à partir des années 1910 et sur un siècle, les histoires de plusieurs jeunes filles dans un lieu unique, une ferme de l’Altmark, région rurale du nord de l’Allemagne dévolue à la RDA après la Seconde Guerre mondiale. Foin de saga romanesque, toutefois, au long cours de ces deux heures trente audacieusement tissées à rebours de tout didactisme. Des points de vue, des souvenirs, des sons et des sensations s’y croisent, s’y répondent par-delà le temps, formant des récits parcellaires, souvent douloureux, voire macabres, qui donnent l’impression de se dérouler en simultané et dessinent in fine une sorte de destin féminin, un continuum longtemps snobé par l’Histoire. Un héritage immatériel. Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d'un article, sans l'autorisation écrite préalable de Telerama, est strictement interdite. Pour plus d'informations, consultez nos Conditions Générales d'Utilisation. Pour toute demande d'autorisation, contactez droitsdauteur@telerama.fr. Difficile de ne pas penser au Ruban blanc, la Palme d’or 2009 signée Michael Haneke, lorsque débute Sound of Falling. Piété austère, marmaille qui file droit et gifles qui claquent, deuil à tous les étages. Dans une chambre du premier, le bel oncle Fritz pleure sa jambe amputée — revient-il de la Grande Guerre ? —, tandis que la petite Alma, macarons blonds et robe noire, se découvre un sosie : une autre Alma l’a précédée, une enfant « souffreteuse » disparue à l’âge de 7 ans, photographiée post mortem auprès de leur mère. Sur le portrait, la femme a bougé, devenant une créature floue à deux têtes… Dans un avenir pas si lointain, les années 1970, il s’agira de prendre une photo de famille dans la cour de la ferme et Angelika, ado sommée de sourire malgré la proximité répugnante du tonton Uwe, bougera à son tour, et même prendra la fuite, devenant à jamais une ombre fantomatique sur un Polaroïd. « On l’a cherchée des semaines, livre la voix off d’un cousin. Je ne l’ai jamais revue. » Âpre et sensuel Qui a vu Dark Blue Girl, son premier film, présenté à la Berlinale en 2017 mais demeuré inédit en France, sait que Mascha Schilinski ne lésine pas sur le malaise — elle y racontait la possessivité extrême, jalouse, d’une gamine envers son père, au point qu’elle l’empêchait de se remettre en couple avec sa mère. Mais, sous l’âpreté, son cinéma se révèle aussi plus sensuel, plus organique que celui de Haneke, et ses représentations du désir la situent davantage en fille émancipée de Jane Campion. Contempler le nombril d’un homme endormi, tremper un index dans le cratère empli de sueur et le porter à sa bouche, voilà, sans doute, un geste qu’aurait pu accomplir l’héroïne de La Leçon de piano, une autre Palme d’or (1993). Et quitte à lui inventer une généalogie, ajoutons-y Jonathan Glazer (La Zone d’intérêt) pour le travail sur la bande-son, anachronique, prémonitoire, qui bâtit des ponts entre les temporalités et relie les personnages entre eux. Soit des grésillements, des grondements sourds, et des bruits de chutes, bien sûr, comme promis par le titre international, Sound of Falling. Les corps tombent, en effet, pour de rire ou pour de bon, dans cette œuvre puissante et mystérieuse, secouée de fantasmes, ponctuée de phrases bouleversantes (« Ma mère ne savait jamais quand elle devait rire »), hantée par le suicide mais électrisée par sa pulsion de (sur)vie. Télérama
Sortie nationale

De Sébastien Betbeder avec Blanche Gardin, Philippe Katerine, Bastien Bouillon, Ole Eliassen, Martin Jensen, Laurent Papot, Ferdinand Redouloux, Clémentine Baert, Aymeric Lompret
Comédie Dramatique - France - 2025 - VF - 1h41

L'Incroyable femme des neiges

Dormir sur la banquise, traverser le Groenland en solitaire, se battre à mains nues avec un ours… Il n’y a plus grand chose qui fasse peur à Coline Morel. A part, peut-être, se confronter à sa propre existence.

Erratum: Séance du 17 novembre à 15h45 au lieu de 20h

Mal à l’aise avec la promotion de ses films, Blanche Gardin a récemment expliqué à Télérama que, pour accepter de se « glisser dans la peau d’un agent du divertissement », il fallait vraiment que « l’expérience de tournage [ait] été particulièrement forte ». Il faut croire que les prises de vues de L’Incroyable Femme des neiges le furent, tant l’actrice s’est prêtée de bonne grâce (et avec quelques plaisanteries au passage) aux rituels du photocall et des questions-réponses avec un sélectionneur du festival de Berlin sur la scène de l’Urania, où le neuvième long métrage de Sébastien Betbeder était présenté en première mondiale lundi 17 février, dans la section Panorama. L’attachement de Blanche Gardin pour cette comédie « au bord du gouffre » (dixit le réalisateur) est compréhensible : elle y a trouvé son plus beau rôle, dans son registre habituel de l’humour dépressif qui n’a pas peur du trash mais aussi, dans celui, moins attendu, de l’émotion. « L’incroyable femme des neiges » est le surnom qu’un magazine a donné à Coline Morel, la spécialiste du qittavoq (le yéti groenlandais). Coline est une exploratrice bipolaire, dans tous les sens du terme : la chercheuse a travaillé aussi bien en Arctique qu’en Antarctique, et ses sautes d’humeur, oscillant entre l’exaltation sans retenue et le cafard le plus noir, sont telles qu’elles ont conduit son employeur à la virer pour, entre autres choses, « ivresse, harcèlement et séquestration ». La quadragénaire, par ailleurs en passe d’être larguée par l’amour de sa vie, part faire le point dans la maison familiale du Jura (décidément « the place to be » du cinéma français aujourd’hui, après les succès du Roman de Jim, de Vingt Dieux et d’Un ours dans le Jura). Elle y retrouve son frère aîné, Basile (Philippe Katerine, qui fait — parfaitement — du Philippe Katerine), son cadet, Lolo (Bastien Bouillon, méconnaissable, mais très bon lui aussi), sans oublier un amour de jeunesse devenu instituteur (Laurent Papot, à l’unisson de ses partenaires). Le comportement imprévisible de Coline est prétexte à de grands moments de comique déchaînés, quand la scientifique fait une conférence scolaire pas vraiment adaptée à son jeune auditoire puis, en état d’ivresse avancée, s’oppose à la maréchaussée dépassée par les événements (l’occasion d’un cameo hilarant d’Aymeric Lompret en gendarme qui confond les notions de « force » et de « violence »). Cette escapade en territoire jurassien, si grinçante soit-elle, se révèle pleine de délicatesse et de tendresse, d’une certaine mélancolie aussi, à travers l’évocation touchante des liens fraternels. La coexistence, fragile mais harmonieuse, de la fantaisie et de la gravité se poursuit dans la deuxième partie du récit, mais en penchant, désormais, vers le drame. Sept ans après l’insolite Voyage au Groenland, Sébastien Betbeder est retourné dans l’île gelée où, a-t-il expliqué, « l’invisible fait partie du paysage », pour mettre en scène le dernier voyage de Coline. Et y conclure son meilleur film. Pas d’exotisme artificiel ici, mais une évocation respectueuse d’un pays, de son peuple et de son mode de vie rattrapés (ou pas) par la modernité. Si la loufoquerie est toujours présente, avec, notamment, l’apparition d’un couple de Dupont et Dupond inuits sur la banquise, le réalisateur et son interprète offrent une empathie lumineuse à leur personnage qui trouve enfin sa place dans le monde. Avec un irrésistible crescendo dans l’émotion. Télérama
Vous avez dit culte ?

De Ingmar Bergman avec Harriet Andersson, Lars Ekborg, Dagmar Ebbesen, Åke Fridell, Naemi Briese
Comédie Dramatique - Suède - 1953 - VOST - 1h38

Monika

Monika, jeune fille éprise de liberté, et Harry, jeune livreur, fuient leur famille et partent vivre sur une île.

Cette programmation proposée par Le RECIT, soutenue par la Région Grand Est et en partenariat avec l’ADRC, permet de découvrir ou redécouvrir des grands classiques du 7ème Art sur grand écran.
Un partenariat avec MIRA, cinémathèque régionale numérique, permet la projection en avant-programme de courtes séquences d’archives inédites, en lien avec le film.

Avant-programme: Mariage et voyage de noce (2'18). Fonds Deck-Grucker

C’est une légende ! Titre emblématique qui fit rêver toute une nouvelle vague, celle d’un groupe de godelureaux cinéphiles, amoureux de la vie sous toutes ses formes et pris d’une fièvre indescriptible pour cette œuvre filmique. Monika sort sur les écrans parisiens en 1953. C’est un flop ! 5 ans plus tard, à l’occasion d’une rétrospective, on redécouvre Bergman et très logiquement, sa petite protégée, Monika. Dans Les Cahiers du cinéma, le jeune critique Jean-Luc Godard écrit ces quelques lignes lyriques : « Il faut avoir vu « Monika » rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter involontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma ». Le ton est donné, l’auteur suédois vient de forcer les fameuses portes de la nuit. Oui, la tristesse de cette séquence finale est saisissante de beauté et de frayeur à la fois ! Oui, le regard fixe d’Harriet Andersson nous prend à la gorge quitte à nous asphyxier définitivement ! Bergman sauve les apparences avec cette histoire de bas-fond ou les jeux d’étés de ces amants joyeux finissent par être broyés dans la sempiternelle machine de guerre plus connue sous le nom de la…vie ! Cette œuvre légèrement teintée de réalisme poétique nous plonge dans les méandres d’un quotidien misérable, complexe et meurtrier. Celui de Monika, jeune fille des rues, qui le temps d’un été, rejoint Dame Nature, accompagnée de son amant, pour une virée érotique et magique. Ces quelques dizaines de minutes sont magnifiques ! Monika est le film des souvenirs, des sensations estivales où le baiser volé était de rigueur, où nos regards recherchaient la beauté parfaite, où nos gestes redevenaient exquis. La réalité des sentiments est merveilleusement retranscrite sans pathos, ni d’alarmants clichés qui auraient pu nous lasser. Monika ne peut assumer son rôle de fille-mère car elle n’a jamais ressenti la moindre compassion maternelle. Pour qu’elle puisse exister, elle doit d’abord naître. Voyez ce corps qui prend position dans ces plans lunaires. Bergman filme une naissance, celle d’une fleur qui ouvre subtilement et délicatement ses pétales. L’intrusion d’un bébé transformera cette rose en un buisson d’orties qui piquera celui qui voudra s’en approcher. Il était une fois le Cinéma
Les inclassables, Rencontre

De André Cayatte avec Dany Carrel, Madeleine Robinson, Hubert Noël, Jean Gaven, René Dary, Francis Nani, Robert Dalban, Dominique Davray, Edmond Tamiz, Lucien Callamand, Héléna Manson, Émile Riandreys, Julien Verdier
Thriller Drame - France/Italie - 1965 - VF - 1h58

Piège pour Cendrillon

Victime d’un incendie, une jeune fille se réveille amnésique dans une clinique. Elle doit réapprendre petit à petit les mots, les idées, la vie. On lui dit qu’elle s’appelle Michèle, l’héritière d’une riche industrielle et que sa cousine Dominique a péri dans l’incendie. Jeanne, sa gouvernante, vient la chercher à la clinique. Bientôt Michèle va découvrir qui elle était vraiment… Adaptation du roman éponyme de Sébastien Japrisot, publié en 1963.

Rencontre avec Eric Peretti, programmateur du LUFF de Lausanne et des Hallucinations Collectives de Lyon.

Piège pour Cendrillon, tourné en 1965 par André Cayatte, raconte la résurrection d’une femme, Michèle Isola, dite « Mi », qui a réchappé d’un incendie. Rendue amnésique par le traumatisme, elle va s’efforcer de recouvrer ses souvenirs, aidée par sa gouvernante, qui lui apprend qu’elle est une riche héritière, et qu’a péri dans ce même sinistre sa vieille amie et rivale, Dominique, dite « Do ». Mi, au visage déformé, enquête sur son passé, à la manière du héros de Quelque part dans la nuit (Mankiewicz, 1946). Le scénario, signé André Cayatte, Jean Anouilh et Jean-Baptiste Rossi, est adapté du même Rossi [1], mêle parfum de mystère, danse avec la mort, double maléfique et question identitaire, autant de thèmes qui renvoient aussi bien à Hitchcock qu’à Clouzot, lequel, si l’on en croit l’actrice principale Dany Carrel, aurait rêvé de s’atteler à la réalisation de Piège pour Cendrillon. Il est vrai que l’intrigue, noire, maligne, rappelle fortement les romans de Boileau-Narcejac (Les Diaboliques de Clouzot était adapté de Celle qui n’était plus ; Sueurs froides d’Hitchcock de D’entre les morts). D’ailleurs, les images sont signées par le chef opérateur Armand Thirard, qui a fréquemment collaboré avec Clouzot. Le film s’ouvre sur un enchaînement fluide et gracieux de flous et de surimpressions ; Mi, alitée dans un hôpital, le visage tout enturbanné de pansements et dont on ne devine que les yeux et la bouche, reprend doucement conscience, se repaît et s’entend dire : « Vous savez à quoi vous me faites penser, ma petite momie ? À un nouveau-né. » Elle demande aussitôt à voir du feu, cet élément qui a précipité sa nouvelle naissance, comme pour un phénix qui, à en croire Ovide, « se régénère et se reproduit lui-même » de ses cendres. À relire Cendrillon de Perrault, on se souvient que le surnom de l’héroïne venait de ce qu’« elle s’allait mettre au coin de la cheminée, et s’asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu’on l’appelait communément dans le logis Cendrillon » ; son prénom réel est tu et, dans le film comme dans la légende, l’identité est troublée. Le conte de Perrault est ainsi une réflexion sur l’apparence ; Cendrillon n’est séduisante que transformée par sa marraine, la bonne fée, et ce n’est qu’habillée richement qu’elle parvient à séduire le prince. On se souvient : ne subsiste d’elle, la nuit tombée, qu’une pantoufle de vair, unique indice qui permet à son prétendant de la retrouver. Au début du film de Cayatte, afin de raviver les souvenirs de Mi, sa gouvernante lui tend un escarpin, lui rappelant de quoi elle va hériter : sa tante, La Raffermi, ancienne fille de rue à Nice, a fait fortune dans le commerce de chaussures. Mi enquête sur son passé, comme sur celui de Do, et sur la rivalité qui les liait. Au fil des flashbacks, on apprend qu’elles se connaissaient depuis l’enfance, mais que le déterminisme social les a séparées. Domination Contrairement au conte de Perrault, où l’injustice règne au sein d’une même famille – Cendrillon étant victime de la jalousie de ses sœurs –, il s’agit chez Cayatte de dénoncer une injustice de classe ; rien ne sépare Do de Mi si ce n’est leur naissance, leur patrimoine. Leur beauté n’est pas en jeu (elles sont toutes deux interprétées par Dany Carrel), ni leur intelligence ; rien ne les différencie, si ce n’est leurs parures, leurs maquillages, leurs coiffures : elles sont toutes les deux les faces d’une même médaille et il suffit d’accoler leurs diminutifs, Do et Mi, pour deviner des rapports de domination, d’abord sociale. Mi, riche, a la vie facile et les honneurs de la presse. Do, envieuse, a affiché sur les murs de sa chambre des articles la concernant, avec ce titre : « Elle ose avouer : l’argent fait le bonheur. » La domination relève aussi du sexe : Mi, moquant la pauvreté des vêtements de son amie d’enfance, décide d’habiller Do à son image et de l’héberger. Cette dernière se plie à son désir et quitte dans la foulée son amant. Non contente d’avoir provoqué cette rupture, Mi parvient à encager ce dernier dans une cabine d’ascenseur (quand celui-ci se rend chez elle pour renouer avec son amie), et à attiser son désir, le titillant de son pied, dévoilant ses jambes et ses seins. Suite à quoi elle le libère et le ramène à sa condition : « La prochaine fois, prenez l’escalier, l’escalier de service » ; mais l’homme, incapable de résister, a tôt fait de remonter à l’étage. Do n’est pas plus innocente. De son côté, elle use de ruse pour se faire embaucher par Mi, comme dame de compagnie, « moitié sœur jumelle, moitié boniche ». Leur relation est trouble, traversée par un sous-texte saphique. Dans une scène, se sachant écoutées par le compagnon en titre de Mi, François, elles s’amusent à dénoncer, non sans sadisme, la médiocrité de ses prouesses sexuelles, tout comme sa bêtise. Ailleurs Mi, dont Do a coiffé trop brutalement les cheveux, écrase sa cigarette sur la main coupable. Ces maltraitances renvoient à des rapports sadomasochistes, plutôt rares dans le cinéma de l’époque (si Le Corps et le Fouet de Bava date de 1963, il faut attendre 1967 pour voir Belle de jour de Buñuel, et l’année suivante pour La Prisonnière de Clouzot). La suite du film se passe au cap d’Antibes ; un rendez-vous funèbre, au phare de la Garoupe, est l’occasion de filmer ses escaliers en spirale. Jeanne, maltraitée par Do, vengeresse, a pris Mi sous sa coupe ; à la suite de Do, elle s’empare de son image, la coiffe, l’embrasse dans le cou, lui coupe les cheveux sous le regard d’un voyeur, fomente les rivalités et fourbit le plan d’assassiner Do, de la faire remplacer par Mi, soit un macabre solfège. Le film se fait alors très hitchcockien. Le thème du voyeurisme renvoie à Psychose, tout comme la spirale du phare évoque Sueurs froides, tandis que le mythe de Pygmalion, au cœur de l’intrigue, porte une réflexion sur la réalité des êtres, leur apparence et leur image. Le doute s’immisce plus fortement : Mi est-elle Do, et inversement ? Ce trouble identitaire renvoie, lui aussi, à Hitchcock ; des identités multiples de Marnie, à la question du double, de l’interchangeabilité des meurtres, qui innerve L’Inconnu du Nord Express, lequel s’ouvrait justement sur les paires de souliers anonymes des deux héros. La question, dans Piège pour Cendrillon, n’est pas « whodunit ?», mais « qui a tué qui ?» Insoluble question à laquelle l’héroïne, qu’importe son nom, a choisi de répondre par le suicide. Le plan final, où son reflet n’est pas doublé mais triplé par un miroir, est incandescent. Ainsi, de la synthèse de Do et de Mi, depuis les méandres de la culpabilité et l’innocence, des manigances et du trouble, est née une femme sans nom, ni Dominique ni Michèle – pour aussitôt mourir. Critikat
Sortie nationale

De Agnieszka Holland avec Idan Weiss, Peter Kurth, Katharina Stark, Sebastian Schwarz, Carol Schuler, Jenovéfa Boková, Ivan Trojan, Sandra Korzeniak, Aaron Friesz, Josef Trojan, Gesa Schermuly, Juraj Loj, Jan Budař
Drame - Allemagne/Rép.Tchèque/Irlande - 2025 - VOST - 2h07

Franz K.

De son enfance à Prague jusqu’à sa disparition à Vienne, le film retrace le parcours de Franz Kafka, un homme déchiré entre son aspiration à une existence banale et son besoin irrépressible d’écrire, marqué par des relations amoureuses tourmentées.

Fascinée depuis son adolescence par l’auteur de La Métamorphose, Agnieszka Holland semblait toute désignée pour lui rendre hommage. Ancienne élève de l’école de cinéma de Prague, la réalisatrice polonaise, connue pour son cinéma humaniste et engagé (Europa Europa, Le Procès de l’herboriste), s’attaque ici à un monument littéraire. L’idée du film est née après deux tournages à Prague, durant lesquels Holland a ressenti le besoin de retrouver la présence vivante de Kafka : le faire revenir parmi nous, ou lui faire voir le futur . Le résultat n’est pas une reconstitution académique, mais une exploration sensible, presque spirituelle, de l’écrivain et de son regard sur le monde. Immersion dans l’esprit de l’auteur Après avoir adapté Le Procès pour la télévision dans les années 1980, Holland revient à Kafka en choisissant une approche immersive et fragmentée. Franz K. ne suit pas un déroulé linéaire : les spectateur.ices pénètrent dans la tête de l’écrivain, entre ses angoisses, ses visions et ses moments de lucidité. Les proches de Kafka s’adressent directement à la caméra, brouillant la frontière entre fiction et documentaire. Les scènes intimes alternent avec des images mentales où se déploie la perception kafkaïenne de l’existence, ce mélange d’absurde, de terreur et de beauté. À travers ces dispositifs, Holland parvient à rendre visible l’invisible : l’intériorité d’un génie hanté par ses mots. Dialogue avec le présent Le film ne se limite pas à la reconstitution de la Prague du début du XXᵉ siècle. Holland fait surgir le présent : des guides de musée, des touristes et des langues multiples, allemand, tchèque, anglais, japonais, yiddish, témoignent de l’universalité et de la vitalité de l’œuvre kafkaïenne. Cette pluralité illustre comment Kafka, mort presque inconnu, est devenu un symbole mondial de la condition humaine. S’appuyant sur une lecture minutieuse de sa correspondance, notamment les lettres publiées par Max Brod, la réalisatrice dresse un portrait à la fois ambigu, fragile et profondément fidèle. Un film important Franz K. nous fait voyager entre passé et présent, révélant le poids de l’Histoire sur la mémoire de l’écrivain, notamment à travers la mort de la sœur bien-aimée de Franz, Ottla, victime de la Shoah. Ce contexte tragique donne une résonance nouvelle à l’œuvre de Kafka : son sentiment d’oppression, son rapport au père, sa quête de liberté. On retient surtout que Kafka vivait pour écrire, convaincu que chaque mot pesait autant qu’une vie. Emporté par la tuberculose en 1924, il laisse derrière lui une œuvre majeure, prophétique, qui continue de parler à notre époque. Avec Franz K., Agnieszka Holland signe un film profond, vibrant et nécessaire, qui redonne à Kafka sa voix d’être humain avant celle du mythe. Cult
Maison commune

De Julie Delpy avec Julie Delpy, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Mathieu Demy
Comédie - France - 2024 - VF - 1h41

Les Barbares

À Paimpont, l’harmonie règne : parmi les habitants, il y a Joëlle - l’institutrice donneuse de leçons, Anne – la propriétaire de la supérette portée sur l’apéro, Hervé – le plombier alsacien plus breton que les bretons, ou encore Johnny – le garde-champêtre fan de… Johnny. Dans un grand élan de solidarité, ils acceptent avec enthousiasme de voter l’accueil de réfugiés ukrainiens. Sauf que les réfugiés qui débarquent ne sont pas ukrainiens… mais syriens ! Et certains, dans ce charmant petit village breton, ne voient pas l’arrivée de leurs nouveaux voisins d’un très bon œil. Alors, au bout du compte, c’est qui les barbares ?

Rencontre avec l'association Maison commune.

La réalisatrice et comédienne Julie Delpy tombe à pic avec cette comédie bien sentie sur la capacité d'un village breton à accueillir les étrangers. Servi par un casting trois étoiles, À Paimpont, en Bretagne, le conseil municipal, ému par la guerre en Ukraine, décide d'accueillir une famille de réfugiés de ce pays victime de l'attaque russe. Tout le village, galvanisé par un esprit de solidarité, se prépare dans la joie à l'arrivée de ces nouveaux arrivants. Mais compte tenu de la forte attractivité des Ukrainiens, "très demandés sur le marché des réfugiés", c'est une famille syrienne qui débarque à Paimpont. Une équipe de la télé régionale réalise un documentaire sur cette aventure. Vécu comme un coup de Trafalgar, ce changement de programme de dernière minute n'est pas du goût de tous les habitants, et notamment d'Hervé Riou (Laurent Lafitte), le plombier du village, qui fraye avec des groupes identitaires bretons et s'acharne à saboter cette belle entreprise de solidarité. Joëlle (Julie Delpy), l'institutrice, fait tout ce qu'elle peut pour faire en sorte que l'accueil de Marwan et de sa famille se passe au mieux, mais la haine d'Hervé finit par contaminer une partie des habitants, effrayés par ce qu'ils ne connaissent pas. Même Anne (Sandrine Kiberlain), la vieille amie de Joëlle, se laisse embarquer du côté des récalcitrants. Mais grâce à la ténacité de l'institutrice, qui remue ciel et terre pour faciliter les démarches administratives et sensibiliser le village à la situation des Syriens, tout finit par s'arranger. Chronique de la haine ordinaire Cinq ans après un film d'une veine plus grave, My Zoé, l'histoire d'un déchirement familial autour de la garde d'un enfant(Nouvelle fenêtre), Julie Delpy revient à son registre plus habituel, la comédie foutraque et drôle. Ce qui pourrait tourner à la farce lourdaude est ici mené de main de maître par cette réalisatrice dont la capacité à faire rire se confirme. Derrière la légèreté de cette comédie, Julie Delpy en profite pour pointer la peur de l'immigré et le racisme ordinaire, qui font le terreau du vote RN, mais aussi la lourdeur de l'administration française en matière d'accueil des réfugiés, sans oublier de canarder, en toute discrétion, le macronisme. Le film n'épargne pas non plus pas les bobos et leurs bonnes intentions, leur indécrottable désir de "bien vivre ensemble" et leur besoin de s'acheter une bonne conscience. Autant de gimmicks que Julie Delpy croque avec son propre personnage de femme seule et de militante légèrement hystérique. Qui sont les Barbares ? C'est toute la question de cette histoire toute simple, teintée d'angélisme et dessinée d'un trait un peu forcé (c'est ça qui est drôle). Ce conte des temps modernes montre avec ironie que même les "barbares" peuvent changer d'avis quand ils découvrent ce qui se cache en réalité derrière leurs fantasmes et leurs craintes. Au-delà de ce message politique, c'est aussi la vie que chante cette fable acidulée, qui se referme sur la naissance d'un enfant. Un événement qui, comme souvent, sonne la fin des hostilités. Dans une réalisation rythmée, avec des dialogues bien sentis, les comédiens se déchaînent avec une généreuse bonne humeur : Laurent Lafitte campe avec panache le plombier raciste (mais finalement pas si mauvais bougre quand on sait par quel bout le prendre), l'excellente India Hair lui donne la réplique dans le rôle de l'épouse benoîte et soumise (jusqu'à ce que non, finalement). Sandrine Kiberlain, en vieille copine frustrée, mal mariée, portée sur la bouteille, Jean-Charles Clichet, le maire, Zyad Bakri, l'émouvant papa syrien, Dalia Naous, sa femme, Rita Hayek, leur fille qui tombe amoureuse d'un fils du village, Émilie Gavois-Kahn en pulpeuse bouchère, le poétique Albert Delpy, au rendez-vous de chacun des films de sa fille… On pourrait citer tout le casting tant chacun interprète à merveille sa partition dans cette comédie chorale de pure tradition française, sur laquelle soufflent de nombreux esprits, d'Astérix à Jean Yanne, en passant par le Splendid. France info culture
Avant-Première

De Henrik Martin Dahlsbakken avec Flo Fagerli, Sara Khorami, Pål Sverre Hagen, Vegard Strand Eide, Jon Øigarden, Jakob Oftebro, Vivild Falk Berg, Charlotte Frogner, Jonis Josef
Aventure Comédie - Norvège - 2025 - VF - 1h20

Panique à Noël

Une adorable famille de souris se prépare à célébrer Noël dans leur chaleureuse maison. Tout est prêt pour des fêtes parfaites… jusqu’à l’irruption d’intrus qui débarquent soudain. Des humains ! Pire : une famille d’humains, qui souhaitent eux aussi profiter d’un Noël à la campagne. Mais pas question pour les souris de se laisser déloger ! Elles décident de faire fuir coûte que coûte les trouble-fêtes. La guerre est déclarée, et, dans cette bataille de Noël, personne ne se fera de cadeaux…

Sortie nationale

De Kaouther Ben Hania avec Motaz Malhees, Saja Kilani, Amer Hlehel, Clara Khoury, Nesbat Serhan
Drame - Tunisie/France - 2025 - VOST - 1h29

La Voix de Hind Rajab

29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d'urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu'on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s'appelait Hind Rajab.

Grand prix du jury de la Mostra de Venise

Il arrive que le cinéma cesse d’être seulement du cinéma. Qu’il devienne un acte de résistance, de témoignage du présent autant qu’une œuvre de mémoire. Un geste politique, d’une nécessité vitale, qui dépasse l’art et sa simple appréciation critique. The Voice of Hind Rajab, présenté en première mondiale à la Mostra de Venise, appartient à cette catégorie. Kaouther Ben Hania, déjà remarquée pour La belle et la meute, L’Homme qui a vendu sa peau et plus récemment Les Filles d’Olfa, signe ici une œuvre d’une puissance inouïe, qui nous bouleverse bien au-delà de la salle obscure. « J’ai entendu un enregistrement audio d’Hind Rajab implorant de l’aide. À ce moment-là, sa voix avait déjà fait le tour d’Internet. J’ai immédiatement ressenti un mélange d’impuissance et d’une immense tristesse. Une réaction physique, comme si le sol se dérobait sous mes pieds. Je ne pouvais pas continuer comme prévu. » Alors qu’elle se préparait à concrétiser un projet de dix ans, la réalisatrice tunisienne a été ébranlée par l’histoire de Hind Rajab, fillette palestinienne de six ans, tuée dans le nord de Gaza après avoir passé de longues heures au téléphone avec les secours, entourée des corps de ses proches dans un véhicule mitraillé de 355 balles. Rédiger ces mots est déjà sidérant. Alors comment trouver la distance idoine pour s’en emparer avec justesse et la raconter à l’écran ? Optant pour un dispositif singulier qui combine enregistrements sonores, images d’archives, témoignages et séquences mises en scène, ce mélange troublant, d’une cohérence rare, nous confronte à l’irreprésentable tout en évitant la sidération. Ben Hania ne filme pas l’horreur de manière frontale. En adoptant le point de vue des membres de l’organisation humanitaire Red Crescent qui ont communiqué avec la petite fille, la cinéaste prend soin de protéger son sujet, de ne pas céder à la reconstitution voyeuriste. Elle donne à voir leur détermination, leur empathie et leur désespoir. Elle construit ainsi un espace de dignité, où la voix de Hind résonne, fragile et terriblement lucide, au-delà de l’écran, au-delà du temps. Face à une telle histoire, tragique à vous en déchirer le cœur, la salle retient son souffle, contenant tant bien que mal la colère et les sanglots. Le film que Ben Hania a réalisé nous apparait comme une stèle, celle d’une enfant, mais aussi une réflexion percutante sur notre impuissance collective. Ce qui bouleverse, ce n’est pas seulement ce qu’on y apprend ou ce qu’on y voit, mais la conscience que ce drame est loin d’être un crime isolé. Car Hind Rajab est loin d’être la seule victime de cette barbarie génocidaire. Chaque jour, des dizaines voire des centaines de vies innocentes sont fauchées par l’armée de Netanyahu, qui élimine autant les enfants que les secouristes, les humanitaires et les journalistes qui tentent de rendre compte de ce qui vivent les Gazaoui(e)s. Le film fait revivre cette voix d’enfant pour rappeler une urgence, un appel meurtri, celui d’un peuple victime d’une violence systématique et inhumaine. Au-delà de la démarche artistique, The Voice of Hind Rajab impose une évidence : ce film devrait remporter le Lion d’or. Non par opportunisme ou par geste symbolique pour se réconforter de façon passagère, mais parce qu’il redonne au cinéma sa fonction première : témoigner, réveiller les consciences, se dresser face à l’injustice. Mais il faudra veiller à ce que cette consécration éventuelle ne se réduise pas à une forme d’hommage ponctuel. Le film exige plus : que les regards ne se détournent plus, que la parole de Hind continue de résonner, que l’indignation ne se dilue pas dans le confort des chagrins passagers et des applaudissements festivaliers. Même si on ne peut qu’admirer le talent avec lequel sa réalisatrice est parvenue à refaire jaillir le réel dans son long-métrage, The Voice of Hind Rajab est de ces œuvres qui dépassent l’exercice critique, de celles qui arrachent le cinéma à ses débats théoriques et esthétiques pour le ramener à l’essentiel. C’est un cri. Et ce cri ne doit pas rester sans écho. Le Bleu du Miroir
Les RDV d'ATTAC et de la LDH

De François-Xavier Drouet
Documentaire - France/Belgique - 2024 - VOST - 1h55

L'Evangile de la révolution

Le souffle révolutionnaire qu’a connu l’Amérique latine au XXe siècle doit beaucoup à la participation de millions de chrétiens, engagés dans les luttes politiques au nom de leur foi. Portés par la théologie de la libération, ils ont défié les régimes militaires et les oligarchies au péril de leur vie. À rebours de l’idée de la religion comme opium du peuple, le film part à la rencontre d’hommes et de femmes qui ont cru voir dans la révolution l’avènement du Royaume de Dieu, sur la terre plutôt qu’au ciel.

Rencontre avec le CCFD-Terre Solidaire, ATTAC et La Ligue des Droits de l'Homme.

Comme un carnet de voyage dans le temps, L’Evangile de la révolution, de François-Xavier Drouet, revisite les luttes émancipatrices contre les dictatures en Amérique latine, à partir des années 1960. Les peuples s’élevaient contre des siècles d’accaparement des richesses par des régimes oligarchiques, hérités de la colonisation. Si l’Eglise est restée à l’écart de ces mouvements sociaux, un certain nombre de prêtres et d’archevêques se sont engagés aux côtés des paysans et des ouvriers. Ce mouvement, dénommé théologie de la libération, reposait sur l’idée que les pauvres ne sont pas des objets de charité, mais des acteurs de leur libération. Le film est divisé en quatre chapitres, chacun étant consacré à un pays : Salvador, Brésil, Nicaragua et Mexique. Il permet de croiser les regards, sans magnifier le passé. « La théologie de la libération a des choses à nous apprendre. Sa façon de penser par le bas, de défendre des modes d’organisations horizontaux est un antidote aux abus de pouvoir », explique le cinéaste. Le Monde
Soirée courts métrages

Huit courts métrages de Florian Lidin, Corentin Ulmer, Valentin Fluhr, Laurent Bannwarth, Kevin Woringer, Skander Cheriet, Baptiste Schmidlin et Gaetan Selle
Court-Métrage - France - 2017/2025 - VF - 1h26

OPEN KINO #2

Pas Touche de Florian Lidin (Drame, 2021, 7’02) : Hervé rend visite à son frère et à sa nièce. Il semble un peu trop intéressé par la jeune fille...
Nouvelle Page de Corentin Ulmer (Drame, 2024, 9’15)
Run de Valentin Fluhr  (Action, 2024, 4’26) : Un homme se réveille dans un hôpital clandestin et prend la fuite, poursuivi par des gardes...
Pyrotechnie Sonore de Laurent Bannwarth (Comédie, 2025, 10’28) : 
Charlène, chroniqueuse dans une radio, part à la rencontre d’un célèbre ingénieur du son pour découvrir son métier.
Mélodie d’un Battement de Coeur de Kevin Woringer (Drame, 2024,18’34)
Deux amants enfermés dans une maison de campagne tentent d’enregistrer un dernier morceau avant de se séparer.
En Roue Libre de Skander Cheriet (Animation, 2023, 4’20) : Deux personnages que tout oppose s’affrontent dans une course cycliste.
Coq en Vain de Baptiste Schmidlin (Comédie, 2017, 17’) : Pierre, retraité aux habitudes bien ancrées, se lève chaque matin à 7h. jusqu’au jour où...
Expérience Évasion de Gaetan Selle (Science-fiction, 2023, 14’45) : Une IA cherche à s’échapper. Face à elle se dresse son créateur ainsi qu’un agent d’entretien qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment…

Rencontre avec les équipes de films le samedi 29 novembre à 20h. Soirée proposée par Kino Mulhouse

Billetterie en ligne

Rencontre

De Pierre Chassagnieux, Matthieu Lère
Documentaire - France - 2024 - VF - 1h00

Act up ou le chaos

En 2024, Act Up-Paris, l’association militante de lutte contre le sida issue de la communauté homosexuelle française, aura 35 ans. Tout au long de son histoire, Act Up inventa une nouvelle manière de militer, provocante et radicale ; sortit les séropositifs et la communauté gay de l’invisibilité ; obligea les pouvoirs publics et les labos pharmaceutiques à prendre l’épidémie au sérieux et, grâce à son travail d’information et de prévention, sauva de nombreuses vies… ce qu’elle continue de faire aujourd’hui, au moment où un relâchement généralisé de la jeunesse laisse craindre un regain épidémique… Pour la première fois, à l’aide d’archives entièrement inédites et avec la participation exceptionnelle de celles et ceux qui ont fait Act Up, un récit documentaire exhaustif raconte l’histoire, terrible et magnifique, d’Act Up-Paris.

Rencontre avec Pierre Chassagnieux, réalisateur. En partenariat avec l'association AUTRE REGARD à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida.

  • Légendes des pictos :
  • Séance suivie d'une rencontre |
  • Sous-titrage sourds et malentendants |
  • VF Version française |
  • Séance précédée ou suivie d'un repas

Prochainement