Chronique
GERMINAL
- …The mission’s over, Dave. Et voilà Germinal qui se profile, balayant l’hiver et ses singes.
- S’en fout Germinal, l’hiver et les singes. Tu es de retour. Tu me semblais loin, parti, en apesanteur.
- 2001 / etc...
- C’est quand même singulier cette propension à regarder dans le rétroviseur, ce tropisme obsessionnel du révolu… Ce côté Quand le passé nous saisit, dans ses lieux de vague à l'âme (JLM, 1952 - 2023).
- Peut-être, mais en même temps, ça a le mérite, je pense, d’avoir, un jour, existé (encore que…), comme les films qu’on a vus, alors que le futur, c’est marc de café, boule de cristal et consorts.
- Oui, mais pourquoi malaxer, malaxer sans cesse le passé, imparfait, composé ou simple (voire le prétérit) ? Li fèt mèt, non ?
- Ce qui est passé est mort, en effet. Encore qu’à notre corps défendant, il poursuive, infatigable, La course du lièvre à travers les champs (René Clément, 1971), se rappelant à notre bon souvenir, sans fin. Nous sommes des châteaux plus ou moins délabrés, habités, hantés par des fantômes plus ou
moins fringants, certains plus que d’autres.
- « C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases ».
- Pardon ?
- « C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases ». C’est une réplique dans Les tontons flingueurs (Georges Lautner, 1962). Tu me faisais penser à ça, avec tes phases et tes formules.
- Je ne suis pas marin.
- Ce n’est pas le sujet (même si les marins sont bien plus marrants que tous les forains réunis…). N’en parlons plus. Nous en étions aux esprits qui nous habitent (de cheval), présents sinon envahissants.
- Oui, reprenons. C’est un peu ça l’idée. Il en va des gens, et de leurs traces, comme des films (et inversement), on en voit et on en oublie, on en rencontre, on en aime et on en déteste (dans le désordre), certains marquent, fer rouge, quand d’autres, ectoplasmes for ever, n’imprimeront jamais. On cherche, on explore, on tourne autour, on marche dessus parfois (métaphore) sans que cela porte chance. Des fois, pour l’un comme pour l’autre, on a du mal à voir l’intérieur, à entrer dedans (au figuré (et même au propre(?!))), si on y arrive. Énigme. Monolithe. 2001. Comme les salles de cinéma, aussi. Mais quand on y arrive… Épiphanie ! « Obscurité, Oh ma
lumière »! (JLG, 1930-2022). « My God, it’s full of stars! ».
- C’est drôle cette foi dans la possibilité de trouver de la lumière partout.
-Plutôt la conviction qu’il peut y avoir du printemps partout et qu’il revient, malgré tout, imperturbable. Malgré et en dépit de nous. Printemps, été, automne, hiver… et printemps (Kim Ki-Duk, 2003), Germinal, quoi ! De l’éclosion en germe. Chrysalide. Ce qui renvoie à De grandes espérances (Charles Dickens, 1861).
- Et à La vie devant soi (Romain Gary / Emile Ajar,1975) et donc Back to the future (Robert Zemeckis, 1985 / 1989 / 1990).
- Oui, poursuivre sa course sans calcul de trajectoire, maîtriser son souffle, dompter la chamade, regarder le paysage, s’arrêter l’admirer. Les Chariots de feu (Hugh Hudson, 1981) ou Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994). Ou Marathon Man (John Schlesinger, 1976). Courir, se chercher, se perdre, se
trouver. « Semblable chemin pour le caballero, à pied ou à cheval, muni d’une lance ou d’un brin de feuillage, tête haute et sourire aux lèvres… ». Et alors là, Floréal, à nous deux.
M.
PS : voilà ci-après des films qui n’auront vu ni le printemps, ni l’été, ni l’automne, ni l’hiver… ni le printemps… en fait non, vous y mettrez tous les films que vous auriez voulu voir sans toutefois y parvenir faute de ce que vous savez. Bref, encore et encore des rencontres qui ne se feront pas. Nous aurions aimé les proposer, mais la place nous fait encore et toujours cruellement défaut. Avec un écran unique (dans tous les sens du terme), on peut accomplir des prodiges, mais pas de miracles…