Rencontre
De Gaël Morel avec Théo Christine, Lou Lampros, Victor Belmondo, Noah Deric, Amanda Lear, Elli Medeiros, Stéphane Rideau
Drame - France - 2024 - VF - 1h49
Vivre, mourir, renaître
Emma aime Sammy qui aime Cyril qui l’aime aussi. Ce qui aurait pu être un marivaudage amoureux à la fin du siècle dernier va être dynamité par l’arrivée du sida. Alors qu’ils s’attendaient au pire, la destinée de chaque personnage va prendre un virage inattendu. Quand on vous dit que vous allez mourir, et que finalement, la médecine vous sauve, comment accueillir cette nouvelle vie ? Est-ce une prolongation ou un nouveau départ ?
Rencontre avec les associations Autre regard et AIDES, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Entrée libre
Il avait 20 ans en 1992, tournait ses premiers courts métrages puis devenait acteur dans un film d’André Téchiné très célébré, Les Roseaux sauvages (1994). Gaël Morel prit son envol à une époque qui était aussi celle du sida, marquée par la létalité, alors implacable, de la maladie. Sur l’écran, nous voici justement en 1990. Sammy et Emma sont jeunes, ils s’aiment et vont, eux aussi, prendre leur envol, fonder une famille, trouver un appartement plus grand pour accueillir le petit Nathan. Quand le voisin, Cyril, devient l’ami de Sammy, et secrètement son amant, c’est dans le même bel élan de joie. Mais ces années-là sont cruelles… On est d’emblée ému par ces personnages qui vivent l’enchantement de la jeunesse, l’avenir donné et la sentence d’un diagnostic qui sonne comme un arrêt de mort, avant de fulgurants progrès dans le traitement du sida. Au fil d’un récit vaillamment romanesque qui traverse une décennie, Vivre, mourir, renaître raconte avec une pureté lumineuse comment tout se mélange, les corps, les destins, le bonheur et le malheur… À travers ravissements et dissonances, le réalisateur nous parle de persévérance. Cinéphile, il a emprunté au compositeur Georges Delerue (disparu en 1992, complice de Truffaut, notamment sur Jules et Jim, auquel on peut penser) des musiques qui préservent une harmonie, dans la légèreté comme dans la mélancolie. Quant à l’image, confiée au talentueux chef opérateur David Chambille, un équilibre s’établit entre une vitalité moderne et une attention classique. Les trois formidables jeunes comédiens, Lou Lampros-Emma, Théo Christine-Sammy et Victor Belmondo-Cyril, sont filmés comme des stars, comme s’ils rayonnaient jusque dans les moments les plus sombres. Passionnément, Gaël Morel nous fait partager l’importance qu’a pour lui ce qu’il met en scène ici. En faisant de Cyril un photographe, il dit son envie de faire revivre ces années 1990 dans leur instantanéité, tout en montrant leur empreinte. Il questionne aussi le geste de créer : l’urgence de vivre, qui a traversé les années sida, ne donnait-elle pas du génie aux artistes ? Une interrogation très personnelle de la part de ce cinéaste qui s’est imposé avec la fougue de sa jeunesse (premier long métrage au rythme d’un cœur battant, À toute vitesse, en 1996), mais a dû, ensuite, parfois plus difficilement, apprendre à durer. Il nous offre aujourd’hui son film le plus fort et le plus sensible. Une superbe victoire. Télérama