De Antoine Page avec Angel Page
Documentaire - France - 2024 - 1h53
Toubib
Bac en poche, Angel, 18 ans, choisit de « faire médecine ». Antoine, son frère réalisateur, décide de suivre son parcours, et se lance dans un film qui durera douze ans. Douze ans d’apprentissage, du marathon d’examens aux premières consultations, de l’adrénaline des stages en hôpitaux aux méditations solitaires d’un jeune médecin de campagne. Douze ans de vie ponctués de remises en question et de prises de conscience, qui conduiront Angel à s’engager en faveur d’une médecine sociale. Trajectoire singulière sur fond de pandémie, Toubib est un voyage au cœur de notre « état de santé » : ce qui nous lie à la vie, à la mort.
Rencontre avec Antoine Page, réalisateur, le vendredi 27 septembre à 20h en partenariat avec le RECIT
A écouter : Antoine et Angel Page, le 13/14, France Inter (19/06/2024)
C'est l’histoire d’un frère, Antoine, qui filme son cadet, Angel, pendant douze ans, avec les moyens du bord. Un frère cinéphile, comme on le découvrira au fil de leurs échanges, pointus, sur les BO de cinéma. Il va suivre le long parcours de l’étudiant en médecine vers cette déclaration pleine d’humilité : « Je suis le docteur Page… comme “une page”. » Et c’est bien le processus d’écriture sur une page blanche, peu à peu remplie, enrichie d’annotations, de doutes et de volonté sereine, que raconte ce documentaire simple comme bonjour. Quoi de neuf, docteur ? Pas grand-chose, hélas, ainsi que commence par le confier, face caméra, Angel, 18 ans, frais bachelier à Besançon, qui a choisi de « faire médecine » : des révisions sans fin, où l’on apprend par cœur en se demandant à quoi cela sert, ou plutôt à quoi cela servira quand on se retrouvera face à des malades. La fatigue, les cernes sous les yeux, les cheveux en pétard, les trajets au petit matin, après avoir raclé le givre sur le pare-brise, pour se rendre à la fac, les couloirs tristounets d’un hôpital où l’on se sent inutile… Puis les stages, et même un Erasmus à Sofia, en Bulgarie : Angel est fier de se débrouiller seul, même s’il y a des cafards dans le petit appartement en colocation… Les années passent, l’expérience grandit, Angel décide d’être, un temps, médecin de campagne, puis de se consacrer à la médecine sociale dans une association de quartiers de Marseille où il faut des interprètes pour communiquer avec les patients… Et voilà, Angel est un homme. Et il est toubib. Un problème de coupe de cheveux ? On nous dira que le cinéma (Première Année) ou la série (Hippocrate) d’un Thomas Lilti nous avaient tout montré de ce métier entre sacerdoce et insomnies, mais ce documentaire-vérité rafraîchit la page, justement, en laissant le temps au temps, et en laissant parler Angel, qui porte bien son prénom. La parole de ce jeune homme est d’or, décryptant chaque faille de ses études, cherchant à améliorer son métier avant même de l’exercer, et trouvant dans le décès prématuré de son père la source de sa vocation… Une parole douce et convaincue, une parole « de gauche » comme on en rêve, venue du terrain et renforcée par chacune des étapes qu’il a choisi de vivre, sans penser à se couper les cheveux – c’est tout bête, mais il y a beaucoup de cinéma dans les états capillaires successifs de ce héros ordinaire ! Quand Angel parle de « santé » avec ses yeux toujours un peu rêveurs, il ausculte le monde à sa manière, et on se dit que rien n’est perdu de l’humanisme. Télérama