Sortie nationale

De Juho Kuosmanen avec Seppo Mattila, Jaana Paananen, Juha Hurme, Aku-Petteri Pahkamäki
Drame - Finlande - 2025 - VOST - 59min
Les Contes de Kokkola, une trilogie finlandaise
A Kokkola, charmante petite ville finlandaise non loin du cercle arctique, ce ne sont pas les déjantés qui manquent ! Comme Romu-Mattila, un marginal qui décide de partir s'installer en Suède avec son chien, des trafiquants d'alcool accompagnés d'un cochon ou encore une gardienne de phare qui rêve de se lancer dans une grande aventure spatiale.
Il y a des films de niche qui surviennent sur les écrans comme des invitations au bonheur et à redécouvrir les richesses inépuisables du septième art. Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise est de ceux-là, construits dans une langue qui allie non sans ingéniosité, l’héritage direct d’un cinéma d’hier et l’inventivité renouvelée d’un genre artistique. Le film est bâti sur trois courts-métrages, tous tournée dans un noir et blanc assez somptueux, où le son parvient à se fondre dans un théâtre de la vie humaine et les paroles ont été remplacées par la musique. Juho Kuosmanen raconte l’existence à travers des personnages déjantés et attachants qui ont pour traits communs d’être en quelque sorte des exclus de la société. On rencontre un vieil homme qui se fait expulser et tente désespérément de vendre le mobilier qui lui reste, un couple de trafiquants d’alcools forts accompagnés de leur cochon, et une gardienne de phare, veuve de surcroît, dont les yeux penchent vers les astres. Le contraste entre une affiche très colorée et trois contes pétris de noir et blanc témoignent d’un cinéma finlandais qui emprunte toutes les voix possibles de l’imagination. Devant un tel film, on a évidemment en tête les déambulations sociales et poétiques de Kaurismäki à travers son pays. Juho Kuosmanen offre un regard sur ces gens de la marge tout autant nourri de tendresse que d’humour. Il faut souligner le formidable travail de casting qui a permis de mettre en scène ces gueules de cinéma, comme sorties de la tête de Charlie Chaplin, dans une période incertaine où la modernité se mêle à une forme d’universalité et d’atemporalité. Juho Kuosmanen assume avec brio un style qui a à voir avec le spectacle de marionnettes. Les décors semblent tout droit dérobés sur les planches d’un théâtre, là où la caméra s’évertue à flouter ce qui pourrait ressembler à des paysages. On se croirait, notamment avec le dernier des trois courts-métrages, propulsé dans l’univers baroque et fantaisiste de Max Ophüls. Juho Kuosmanen joue avec les genres, les époques et les références cinématographiques, dans une matière filmique qui puise son inspiration autant dans l’animation que le réalisme. En effet, le retour au réel vient précipiter à chaque fois les personnages dans la dureté du monde, sauf peut-être pour le dernier personnage qui semble avoir trouvé sur son engin de l’espace la maison du paradis. L’usage de la musique constitue un intérêt majeur dans ce film. On peut dire qu’elle se substitue habilement aux dialogues, dans des styles très différents d’un court-métrage à l’autre. Le réalisateur dérange les normes du cinéma, pour parvenir à une langue fantaisiste et originale. Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise s’offre comme une œuvre qui pourra séduire les adultes et les enfants, chacun pouvant trouver dans ces trois histoires un bout d’eux-mêmes. Le format relativement court apporte au film un rythme qui conviendra à tous les publics. Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise atteste du courage pour les distributeurs français comme ici Le Pacte de diffuser des œuvres qui ne parviennent pas toujours à se fondre une place sur les écrans. Encore faut-il que les exploitants acceptent de donner aux spectateurs l’opportunité de s’ouvrir à des films et des genres complètement atypiques et d’accepter que le cinéma ne soit pas seulement au service d’une économie de marché. Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise est tout simplement écrit et réalisé au bénéfice du rêve, dans la continuité des premiers films muets qui avaient déjà tout dit du cinéma à venir. À voir à Lire