Rencontre

De Stéphane Malterre
Documentaire - France / Allemagne - 2022 - VOST - 1h44
Les Ames perdues
En 2014, un mystérieux déserteur, portant Ie nom de code César, divulgue des dizaines de milliers de photos des victimes du régime syrien, morts sous la torture. Alors que les suppliciés sombrent dans l'oubli et que des milliers de civils disparaissent, leurs familles, leurs avocats et un petit groupe d'activistes tentent de déposer des plaintes dans des tribunaux européens. Ce film raconte les rebondissements d'enquêtes et de procédures qui conduiront à l'émission de mandats d'arrêts contre les plus hauts responsables de l'administration de Bachar al Assad, pour crimes contre I'humanité.
Rencontre avec la Passerelle des Talents et Logosphère.
Face caméra, entièrement grimé (visage masqué, gabarit indéterminable, mains gantées), César raconte sa vie d’avant, en tant que photographe au sein de la police militaire à Damas. Ce fonctionnaire exerçait un métier déjà bien âpre : il prenait des photos d’accidents mortels impliquant des soldats (noyades, incendies, crimes, suicides…). Mais en mars 2011, tout change : les services de renseignement le convoquent chaque matin à la morgue de l’hôpital de Tichrine où l’attendent dix à quinze cadavres. Puis le rythme s’accélère. César doit photographier quarante morts tous les jours. Personnes âgées, enfants, jeunes, hommes dans la force de l’âge, tous sans identité, juste affublés du numéro du centre de détention où ils ont été exécutés. Le courage de César — dont l’histoire, révélée par la journaliste Garance Le Caisne, a fait le tour du monde —, c’est d’avoir fait un choix : copier, durant deux ans, au péril de sa vie, sur des clés USB ces « clichés de l’horreur » et les avoir fait sortir clandestinement avec l’aide d’un ami en Turquie. En collectant des milliers d’archives secrètes (27 000 au total), César a documenté les atrocités et crimes contre l’humanité du régime d’Assad. Le « dossier César » va permettre, comme le raconte ce documentaire hallucinant, aux familles des disparus ayant une double nationalité de tenter de saisir la justice en Espagne, Allemagne, France… Le film retrace leur combat pour connaître la vérité, montrant en creux la faiblesse des institutions internationales (le Conseil de sécurité de l’ONU n’ayant pu voter une résolution permettant de poursuivre la Syrie) et le découragement des avocats des droits de l’homme, trop souvent porteurs de mauvaises nouvelles. Depuis le 4 avril 2023, trois membres du régime syrien, dont deux très hauts responsables, sont désormais poursuivis par la justice française pour « complicité de crimes contre l’humanité et délits de guerre »… Au-delà de la rigueur de l’enquête, par-delà le choc des images de corps torturés, Les Âmes perdues est un film important sur la machine de mort du régime syrien, la violence répétée d’un terrorisme d’État et les conséquences de ces crimes sur des générations entières. Télérama