Sortie nationale
De Laetitia Dosch avec Laetitia Dosch, Jean-Pascal Zadi, François Damiens, Anne Dorval, Pierre Deladonchamps, Anabela Moreira, Mathieu Demy
Comédie - Suisse/France - 2024 - VF - 1h20
Le procès du chien
Avril, jeune avocate spécialisée dans la défense de animaux est prête à tout pour sauver de la peine capitale son client, un chien récidiviste. Entre croyance en la justice et difficultés grandissantes à supporter le mépris des humains pour les animaux, c’est ce chien qui va aider Avril à accepter sa complexité humaine.
Un chien est-il un justiciable comme un autre ? Une société se juge-t-elle à la place qu’elle accorde à ses amis les bêtes ? Un canidé peut-il être misogyne ? Mord-il par légitime défense ? La peine de mort pour un animal domestique est-elle plus douce que pour un humain ? Vie sauvage et vie en société peuvent-elles cohabiter ? L’antispécisme est-il soluble dans le féminisme ? L’homme est-il un loup pour le chien ? Autant de questions philosophico-comiques posées par Laetitia Dosch dans son premier film derrière la caméra. La rousse quadragénaire s’est aussi réservé le rôle principal, celui de l’avocate de Cosmos, le criminel. Doit-on écrire « criminel », d’ailleurs ? Le mot est impropre pour désigner ce brave toutou dont le « crime » est d’avoir mordu au visage Lorene, femme de ménage portugaise et compagne de Dariuch, le maître malvoyant de Cosmos. Dans la vraie vie, puisque cette histoire un peu folle a de sérieux ferments, le clébard a été piqué sans sommation et sans émotion, malgré une pétition réclamant la clémence. Pour faire déraper son film vers la farce surréaliste, la réalisatrice choisit donc d’assimiler le cabot non plus à une chose, comme c’est toujours le cas dans le Code civil, mais à une personne en pleine possession de ses moyens et, comme le titre transparent l’annonce, de faire le procès du chien. Accusé, couchez-vous ! Le rapport ambigu entre l’homme et l’animal était déjà le ressort d’un formidable spectacle de Laetitia Dosch, Hate (2018), dérangeant duo femme-cheval dans lequel l’actrice chevauchait Corazon dans le plus simple appareil – comme Lady Godiva –, dialoguait avec ce compagnon de substitution, dont elle s’éprenait, jusqu’à simuler une saillie dans l’intimité d’une tente Quechua. « Qu’est-ce que c’est qu’aimer ? Qu’est-ce que c’est que détester ?, nous confiait-elle alors. La limite est ténue entre les deux sentiments. On aime la nature mais on la détruit. On risque même d’en mourir. On veut vivre avec un chat mais on lui coupe les couilles pour qu’il ne fasse pas pipi partout. On mange les animaux qu’on trouve trop beaux. Drôles de façons d’aimer. » L’actrice-réalisatrice franco-suisse en connaît un rayon en faune sauvage et domestique. Elle a passé son enfance entourée d’animaux morts : des chiens, des chinchillas, des pies, un fennec, tous empaillés par son oncle taxidermiste, propriétaire de la célèbre boutique Claude Nature, boulevard Saint-Germain. Le grand-père, quant à lui, était ornithologue. Il a ramené de ses voyages pas moins de dix mille nids et autant d’œufs, vidés et conservés dans des boîtes et alignés sur un mur du grand appartement parisien où cohabitaient trois générations. Un casting d’impayables comiques Si Le Procès du chien fait un peu le procès du spécisme, cette vision du monde postulant la supériorité de l’être humain sur les animaux, il le fait avec une énergie démentielle et très peu conventionnelle, pas docte pour un clou. « La Dosch », comme à son habitude, donne de sa personne pour camper cette walkyrie du barreau et pour maintenir un rythme effréné (quatre-vingts minutes chrono) qui nous épargne, avec de belles ellipses, la lenteur de la justice et de certains films de procès. Elle est bien aidée par son casting d’impayables comiques : à l’autre bout de la laisse, François Damiens est désopilant de bêtise et de premier degré, comme l’est Jean-Pascal Zadi, en dresseur certifié par le gouvernement que l’avocate glissera fortuitement dans son lit. Sorte d’Éric Zemmour en jupe, le personnage d’Anne Dorval est une caricature de populiste bas du front (national) à faire frémir de rire. Télérama