Sortie nationale

De Maryam Touzani avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Messioui, Mounia Lamkimel, Hamid Zoughi
Drame - France / Maroc / Belgique / Danemark - 2022 - VOST - 2h04
Le Bleu du caftan
Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.
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Au Maroc, un tailleur doit cacher son homosexualité, connue seulement de son épouse. Jusqu’à ce qu’un apprenti jette le trouble... Maryam Touzani signe, avec son deuxième film, une grande œuvre. Dans Adam (2019), Maryam Touzani racontait une émancipation et un retour de la vie dans le huis clos d’une modeste pâtisserie. La noblesse d’un petit artisanat en voie de disparition et le réveil de désirs longtemps refoulés sont, à nouveau, au cœur du deuxième, et splendide, long métrage réalisé par l’actrice marocaine. Avec une différence majeure : il est cette fois question d’homosexualité, sujet encore tabou en terre d’Islam. Halim, tailleur traditionnel dans la médina de Salé, confectionne à la main des caftans richement brodés dans la boutique gérée par sa femme, Mina. Le couple est très complice, uni peut-être plus encore qu’aux premiers jours, mais vit depuis toujours avec le secret d’Halim, attiré par les hommes. Alors que les jours de Mina, en récidive d’un cancer, sont comptés, un étonnant triangle amoureux va se former avec l’arrivée d’un jeune apprenti, Youssef. Tandis qu’Halim prépare le tissu de la tunique luxueuse dont la conception rythmera tout le récit, le couturier explique à son élève l’importance de la marge entre la ligne de découpe et le patron du vêtement : c’est « le centimètre du mâalem » (le maître artisan), qui fait la différence entre une création exceptionnelle et les produits standardisés des usines. Le film de Maryam Touzani se situe, lui aussi, dans cette bande étroite, et fragile, qui fait les grandes œuvres. Pour rester dans la métaphore couturière, la mise en scène a la précision millimétrée des dentellières pour rendre sensibles, dans des clairs-obscurs délicats, les désirs contraints d’Halim (Saleh Bakri, élégant et subtil), la douleur de Mina (Lubna Azabal, poignante), le trouble de Youssef (Ayoub Missioui, toujours juste). Si les émotions ne s’y expriment qu’avec la plus grande pudeur, Le Bleu du caftan déborde en revanche de sensualité. Pas besoin de scènes érotiques pour cela (les rencontres d’Halim avec ses amants passagers au hammam sont, d’ailleurs, laissées hors champ) : des gros plans de mains caressant un tissu ou palpant une broderie suffisent. Télérama