Sortie nationale

De Lionel Baier avec Dominique Reymond, Michel Blanc, William Lebghil, Aurélien Gabrielli, Liliane Rovère, Ethan Chimienti, Adrien Barazzone, Larisa Faber
Comédie
Dramatique - Suisse/Luxembourg/France - 2025 - VF - 1h30
La Cache
Christophe, 9 ans, vit les événements de mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l’appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d’une mystérieuse cache, qui révèlera peu à peu ses secrets…
L'occasion de voir l'acteur Michel Blanc dans son dernier rôle
Après La vanité, une comédie caustique sur l’euthanasie, Lionel Baier puise son inspiration dans La cache de Christophe Boltanski. Un roman paru en 2015, auréolé du prix Femina, puis du prix des prix littéraires, qui raconte l’histoire anticonformiste d’une famille d’intellectuels juifs à laquelle le réalisateur suisse trouve quelques similitudes avec la sienne, également originaire d’Odessa. Il y voit l’occasion d’envisager la Shoah non pas comme un événement historique mais comme un processus qui a imprégné une bonne partie du vingtième siècle et continue de le faire aujourd’hui. Ce n’est pas la vérité attestée qu’il s’apprête à raconter mais sa vérité vue par le prisme de cette famille atypique qui n’engendre ni la mélancolie, ni la contrainte. La voix off du réalisateur interpelle d’emblée le spectateur. L’action se situe durant les événements de mai 68 déroulés comme autant de vignettes d’une bande dessinée. Il faut accepter de rentrer dans l’imaginaire de ces personnages truculents et ne jamais perdre de vue le cheminement mental du jeune Christophe qui, bercé par l’amour des siens, découvre peu à peu les secrets que cachent les murs de l’appartement de la rue de Grenelle. Pourtant, derrière cet univers de bonne humeur et d’inventivité perpétuelle sont tapis des sujets plus graves comme la recherche d’identité, l’antisémitisme, les non-dits et les cicatrices indélébiles dont chaque membre s’accommodera suivant son vécu et ses aspirations. Les interactions entre des personnages aussi loufoques qu’attachants font le sel de cette comédie originale sur le poids de l’héritage familial. Le couple formé par Mère-Grand (Dominique Reymond), écrivaine combative et déterminée, conduisant sans coup férir et malgré les stigmates d’une poliomyélite, son Ami 6 Citroën rouge grenat pour aller à la rencontre des ouvriers (occasion idéale de tourner gentiment en dérision un militantisme révolu) et le doux Père-Grand, un médecin bienveillant, envahi de peurs incontrôlables auquel Michel Blanc apporte toute sa sensibilité, constitue l’élément phare, talonné de près par Arrière-pays (Liliane Rovère) qui, avec son franc-parler coutumier, n’en finit plus de ressasser ses souvenirs.Nul doute que le schéma peu classique totalement assumé par le cinéaste qui mêle référence à l’univers des cartoons, couleurs détonantes (entre rouge sang de bœuf et vert pistache écrasée) et joyeux désordre en dérouteront quelques-uns, tandis que d’autres s’amuseront de cette liberté de ton, de ce décor suranné, de cette allusion à la Nouvelle Vague et de cette réminiscence du mouvement de mai 68 qui jamais ne s’égare dans la nostalgie, le tout bien ficelé dans un douillet chaos, rempli de bonhomie et de vivacité. Entrechoquant avec intelligence imaginaire et réalité, grande Histoire et chronique familiale, La cache délivre un chaleureux message d’humanité, qui réchauffe le cœur. À voir à Lire