Sortie nationale
De Miguel Gomes avec Gonçalo Waddington, Crista Alfaiate, Cláudio da Silva, Lang Khê Tran, Jorge Andrade, João Pedro Vaz, João Pedro Bénard, Teresa Madruga, Joana Bárcia, Diogo Dória, Jani Zhao, Manuela Couto, Américo Silva
Aventure
Comédie
Dramatique - France/Italie/Portugal/Allemagne/Japon/Chine - 2024 - VOST - 2h08
Grand Tour
Rangoon, Birmanie, 1917. Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, s’enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l’Asie.
Prix de la mise en scène, Festival de Cannes 2024
Comment raconter la quête désespérée de deux fiancés à travers le continent asiatique sans tomber dans le récit de voyage banal ? C’est tout le pari de Miguel Gomes qui entreprend, en même temps que ses deux protagonistes, une incursion au cœur des paysages quasi féériques de la Chine, du Japon, de la Thaïlande, de l’Indonésie, la Malaisie et du Tibet. Grand Tour est construit en deux parties assez proportionnées : la première suit le parcours accidenté d’Edward, qui, après avoir fui la promesse d’un mariage, se retrouve entraîné dans un périple assez dangereux au cœur de l’Asie, là où la seconde partie accompagne sa promise, Molly, qui tente de reconstituer l’errance de son conjoint. À bien des égards, le film fait penser à un livre de Blaise Cendrars où le voyage demeure autant un ensemble de rencontres inédites que la confrontation à des cultures et des paysages merveilleux. Miguel Gomes invite son spectateur dans un périple hors du commun, qui alterne des spectacles traditionnels, des images en noir et blanc, et d’autres en couleur. Les temporalités se rétrécissent en même temps que la géographie qui semble réduite à un mouchoir de poche. En deux secondes à peine, le réalisateur traverse des milliers de kilomètres, passant d’un pays à un autre, sans cohérence véritable en dehors de la magie du montage et du cinéma. Grand Tour convoque la grâce et la merveille du récit de voyage, où les personnages rencontrés contribuent à élever les paysages et les situations dans une dimension quasi féérique. La question du couple est abordée de façon assez secondaire. Les personnages principaux apparaissent comme deux êtres totalement perdus, moins en quête de leur amour que de se retrouver eux-mêmes. Le réalisateur affuble ses protagonistes de tics comportements comme le ricanement de Molly qui leur confèrent une sorte de déconnexion permanente avec la réalité. D’ailleurs, tout le film cultive l’ambiguïté : on ne sait trop si ce voyage est réel ou seulement le produit de délires fantasmatiques des deux héros. Finalement, et c’est ce qui fait la force du long métrage, on ne sait pas ce qu’ils visent, et vers quelle destination ils s’efforcent d’aller. Leur errance aussi initiatique que poétique se superpose à un continent, immense, très différent d’une région à l’autre, et fascinant d’un point de vue spirituel. Il faut surtout se garder de penser que Grand Tour est un film ennuyeux. C’est une œuvre qu’il faut appréhender dans sa nature aérienne et détachée du réel. Tout est faux et tout est vrai dans cette fiction qui s’appuie sur des contes traditionnels asiatiques ou des expériences religieuses de moines. Le temps se suspend pendant près de deux heures où le spectateur perd tous ses repères temporels et géographiques. Il faut saluer le travail admirable de la photographie. Le film offre à voir des paysages absolument somptueux qui éclairent des auteurs emblématiques qui ont écrit sur l’Asie comme Marguerite Duras, Pierre Loti ou Jean-Marie Le Clézio. La portée littéraire du long-métrage est d’ailleurs évidente, gage d’une réalisation inventive, originale, qui prend le temps de poser des mondes éloignés de nos réalités quotidiennes. Grand Tour est un grand film sélectionné en compétition officielle à Cannes 2024, et l’on espère de nombreux autres voyages sur les écrans de cinéma. à Voir à Lire