BELAIRAMA

De Soi Cheang avec Raymond Lam, 古天樂, Terrance Lau, Tony Wu, 張文傑
Action Thriller - Hong-Kong/Chine - 2024 - VOST - 2h05

City of Darkness

Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’applique pas est la Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres. Poursuivi par la puissante triade de Mr. Big, un migrant clandestin y trouve refuge sous la protection de Cyclone, le charismatique chef de la Citadelle. Ensemble, ils vont devoir faire face aux attaques de Mr. Big et de ses sbires afin de protéger la population de la cité fortifiée.

Dans le cadre du BELAIRAMA, séances au tarif de 5 euros (3 euros Carte culture).

Fils spirituel et ancien assistant réalisateur de Ringo Lam et Johnnie To, deux artisans majeurs, avec John Woo et Tsui Hark, de l’âge d’or du cinéma d’action hongkongais à la fin des années 1980 et dans la décennie suivante, Soi Cheang rend hommage à ses maîtres dans un film de gangsters aussi virtuose que frénétique. L’exercice de style et d’admiration, présenté en séance de minuit lors du dernier Festival de Cannes, ressuscite un décor millésimé – le Hong Kong interlope d’avant la rétrocession à la Chine – qui n’existe plus que dans les films qui ont contribué à l’élever au rang de mythe pour cinéphiles mélancoliques. Superbement reconstitué et magistralement filmé, le personnage principal n’est ni un truand sanguinaire ni un flic véreux, mais bel et bien un lieu, chargé de mémoire criminelle : la citadelle de Kowloon, enclave chinoise dans la colonie anglaise, progressivement devenue zone de non-droit dans laquelle ni les représentants britanniques, ni les autorités de Pékin, pas plus que la lumière, ne pouvaient pénétrer. Jusqu’à sa démolition en 1993, ce fut une véritable ville dans la ville, où les laissés-pour-compte de la société hongkongaise cohabitaient avec la pègre et tout l’éventail de ses activités illégales. Un gigantesque bidonville vertical, équivalent à quatre terrains de football, dans lequel s’entassèrent jusqu’à cinquante mille habitants et qui palpite à nouveau sous nos yeux écarquillés par la magie du chef décorateur Kenneth Mak, déjà responsable de la transformation de Hong Kong en cloaque de pluie et de plastique dans Limbo, précédent film de meurtre et d’atmosphère crapoteuse signé Soi Cheang. C’est dans cette Babylone moderne que se réfugie un migrant clandestin pour échapper au chef des triades. Le gang de ce dernier va bientôt devoir affronter celui du chef de la citadelle qui a pris le fuyard sous son aile, non sans lui avoir infligé un test de loyauté des plus sadiques. Bien que solidement ficelée, l’intrigue importe moins que l’art et la manière dont les bastons et les cascades sont exécutées dans ce formidable huis clos labyrinthique tout en étages, en étroitures et en culs-de-sac, dernier endroit sur terre où l’on aurait imaginé admirer une poursuite à moto, et pourtant ! Abandonnant toute vraisemblance, notamment dans la violence paroxystique des duels (les personnages traversent toits et cloisons sans une égratignure ou presque), le film, adapté d’un manhua (manga chinois), devient encore plus fascinant quand surgissent, in fine, des éléments fantastiques qui font basculer le polar dans la mythologie. Et City of Darkness de se hisser, incidemment, au panthéon du cinéma hongkongais. Télérama

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