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Rencontre

De Michele Placido avec Riccardo Scamarcio, Louis Garrel, Isabelle Huppert, Vinicio Marchioni, Lolita Chammah
Biopic Historique - Italie / France - 2022 - VOST - 2h00

Caravage

Italie, en 1600. La vie aventureuse du grand peintre italien du XVIe siècle, Le Caravage. Une figure troublante est chargé d'enquêter sur ce dernier car son art est jugé subversif...

Rencontre avec Catherine Koenig, conférencière en Histoire de l'art.

Acteur et réalisateur italien, Michele Placido est l’auteur de plusieurs longs métrages dont le plus abouti est sans doute Romanzo criminale (2005). Il s’intéresse ici à la biographie du peintre Le Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio), qui avait déjà fait l’objet de productions cinématographiques dont la plus célèbre reste le décalé Caravaggio (1986) de Derek Jarman. Placido évite les écueils de maints biopics, à savoir la structure narrative linéaire, l’illustration scolaire et le pathos, tout en étant explicite dans son projet, c’est-à-dire établir un parallèle entre la vie du peintre dans le contexte de son époque et l’univers d’artistes plus contemporains. Il déclare ainsi dans ses notes d’intention : « Le film que j’avais en tête rendrait toute l’authenticité du peintre avec ses vices et ses vertus, son humanité profonde et viscérale, et en même temps toute la vérité de son époque. Il raconterait la révolution d’un artiste terriblement gênant qui, dans une Rome pleine d’espions pro-français ou pro-espagnols, trouvait dans la rue ses compagnons de route - voleurs, prostituées, vagabonds - pour en faire, longtemps avant Pasolini, des modèles pour ses tableaux, transfigurés en saints et madones, en icônes immortelles ». Le scénario est le fruit d’une documentation historique précise. Cela concerne en premier lieu les personnages qui gravitent autour du peintre, comme sa protectrice noble Constanza Colonna (Isabelle Huppert), les prostituées qu’il transforme en madones (Lolita Chammah et Micaela Ramazotti), ou son assistant et modèle Cecco, avec lequel il entretient des rapports ambigus. Mais l’originalité de la narration consiste à avoir pris des distances avec la réalité historique et avoir fait preuve d’inventivité créatrice, notamment en inventant la figure de L’Ombre (Louis Garrel), prélat inquisiteur, foncièrement hostile au Caravage, et chargé par le pape Paul V de mener une enquête sur son passé, afin de déterminer s’il mérite la grâce. Ce personnage, mi-détective, mi-bourreau, incarne l’intolérance religieuse dans ce qu’elle a de plus horrible et repoussante pour les artistes ; la triste actualité des mollahs iraniens est là pour nous le rappeler. Et si Placido a tenu à refléter les contrastes sociaux de l’époque (misère dans les ruelles de Rome, opulence des palais), il n’opte pas pour la méticulosité académique de la reconstitution avec images léchées, préférant un travail esthétique contrasté, tons bistre pour les scènes d’intérieur, ou éclairages poudreux pour les séquences orgiaques. On pourra reprocher au cinéaste d’abuser un peu trop des maquillages crasseux pour souligner l’indigence, mais sa démarche est plus proche du baroque de Patrice Chéreau dans La reine Margot que du naturalisme kitsch de Robert Hossein dans ses Misérables. Et il est clair que tout n’est pas parfait dans le métrage, de flashback confus à un abus d’effets de style, en passant par des dialogues parfois maladroits, comme ceux proférés par cette jeune femme peintre professant en 1609 des propos copiés collés sur ceux d’une néo-féministe de 2022… On apprécie davantage la façon dont Placido, sans anachronisme, décrit le mode de vie du peintre comme s’il préfigurait celui d’un Warhol. Mais si Caravage ne vaut pas le Van Gogh de Pialat, ses qualités sont somme toute réelles et il ne démérite pas face à d’autres biopics autour de peintres, tels Montparnasse 19 de Jacques Becker (sur Modigliani) ou Basquiat de Julian Schabel. Riccardo Scamarcio dans le rôle-titre est une nouvelle fois impressionnant, lui qui a avait déjà brillé dans des films signés Golino, Sorrentino ou Moretti. A voir à Lire

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