Sortie nationale

De Andreas Dresen avec Liv Lisa Fries, Johannes Hegemann, Alexander Scheer, Gabriela Maria Schmeide, Emma Bading
Drame - Allemagne - 2024 - VOST - 2h04

Berlin, été 42

Berlin en 1942, c'est le plus bel été pour Hilde, follement amoureuse de Hans et joyeusement enceinte. Mais la passion s'accompagne d'un grave danger. Hans s'engage dans la résistance antinazie, avec un groupe de jeunes gens que l'on appellera plus tard l'"Orchestre rouge". Malgré les risques énormes, Hilde décide de s'engager elle-même, mais elle est arrêtée par la Gestapo et donne naissance à son fils en prison. Désormais dans une situation désespérée, Hilde développe une force d'inspiration tranquille, mais il ne lui reste que quelques mois à vivre avec son fils.

Le cinéma allemand n’en finit pas de remuer la période la plus trouble et tragique de son Histoire nationale. Ce qui est resté longtemps en marge (Lili Marleen de Fassbinder) est désormais fréquent depuis les années 2000. Des longs métrages de qualité l’attestent, comme Sophie Scholl, les derniers jours, La chute, La conférence et le documentaire Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres. Quelques semaines après La fabrique du mensonge de Joachim Lang, sur la stratégie de Goebbels, sort sur les écrans français ce récit de jeunes gens ayant appartenu à l’Orchestre Rouge, et plus précisément Hilde Coppi (1909-1943), résistante s’étant engagée moins par idéologie que pour défendre ses principes moraux et ses attaches affectives. Le film bénéficie du travail d’écriture de Laila Stieler, qui a déjà collaboré avec Andreas Dresen, lequel précise dans le dossier de presse : « Le scénario de Laila Stieler et l’histoire de Hilde m’ont profondément ému. Je souhaitais avant tout centrer ce récit sur un groupe de jeunes mais d’une manière contemporaine et poétique. La résonance du film aujourd’hui réside dans nos idéaux : défendre nos idées et résister. Il ne faut pas se laisser influencer, mais suivre sa boussole intérieure et ses idéaux. Hilde Coppi n’est pas une activiste politique. Je la décrirais plutôt comme une personne tout à fait normale qui défend ses valeurs ». Le mérite du long métrage est d’avoir su trouver un équilibre entre l’histoire familiale et sentimentale de la jeune femme et la reconstitution historique, sans tomber dans les clichés que le dispositif aurait pu entraîner (alignement de croix gammées, pathos, recours aux images d’archives). Déployant une double narration avec flash-back (les mois d’emprisonnement et l’été qui précède, propice aux amours et actions militantes de Hilde), le film innove peu dans le genre désormais convenu du biopic mais montre avec finesse le contraste entre l’insouciance apparente d’un groupe de jeunes (camping, amourettes au bord d’un lac) et la combativité des protagonistes. Les scènes dures (l’accouchement difficile de Hilde, l’attente des prisonnières avant leur exécution) sont contrebalancées par des moments plus légers, l’horreur véritable du nazisme étant souvent hors champ. Et l’absence de musique ainsi que la photographie sans fioritures de Judith Kaufmann ne font qu’amplifier la sobriété de la proposition. Le film n’échappe pas toutefois à certaines maladresses (le personnage de la gardienne de prison, qui passe sans transition de la malveillance à la compassion), et échappe de justesse à l’académisme télévisuel. Mais Berlin, été 42 confirme le savoir-faire d’Andreas Dreisen, aussi à l’aise dans les portraits de la jeunesse (Un été à Berlin) que dans ceux de l’âge avancé (Septième ciel). Les interprètes sont quant eux admirables, et en particulier Liv Lisa Fries, délicate et nuancée. Le film a été présenté à la Berlinale 2024, en présence de Hans Coppi junior, fils de Hilde Coppi. Il fut ensuite l’un des moments forts du Festival du cinéma allemand à Paris. À voir à Lire

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