Rencontre
De Werner Herzog avec Werner Herzog, Katia Krafft, Maurice Krafft, Harry Glicken
Documentaire - France/Royaume-Uni/Etats-Unis/Suisse - 2022 - VOST - 1h21
Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft
En s’emparant des captivantes archives cinématographiques des volcanologues Katia et Maurice Krafft, Werner Herzog célèbre avec poésie la vie, brutalement interrompue en 1991, de deux chercheurs et preneurs d’images à l’oeuvre unique.
Rencontre avec Pierre Fluck, professeur émérite, spécialiste en géologie, ami de Maurice Krafft, le mercredi 15 janvier à 20h
Récompensé notamment au Festival de Gijón, le présent documentaire a eu un format initialement télévisuel, diffusé sur Arte en 2022. Distribué dans les salles en décembre 2024 grâce au distributeur Potemkine, il devrait y élargir son audience. On sait que Werner Herzog a souvent été tenté par une approche purement documentaire, avec des films tels que Le pays du silence et de l’obscurité et La grotte des rêves perdus. Son goût des tournages physiquement à risques et sa thématique de la relation entre l’homme et un environnement naturel ne pouvaient être qu’en conformité avec l’approche de Katia et Maurice Krafft. Ce couple de vulcanologues, dont la carrière a débuté à la fin des années 1960, a connu une existence à la fois fascinante et tumultueuse, étudiant (de très près) les éruptions volcaniques aux quatre coins de la planète, d’Hawaï au Mexique, de l’Islande à l’Indonésie, avec une passion jamais démentie. Le documentaire débute par la fin de leur parcours, lorsqu’ils sont prêts à être mortellement engloutis par une coulée pyroclastique alors qu’ils examinaient le mont Unzen au Japon, en 1991. Herzog est persuadé que les Krafft étaient d’authentiques cinéastes, dignes héritiers des frères Lumière par leur captation simple mais saisissante du réel, d’autant plus que la force des images qu’ils ont accumulées pendant ces quelques décennies a été inédite. Leurs archives révèlent en effet un talent filmique valant bien celui du commandant Cousteau faisant découvrir aux spectateurs les beautés des fonds marins dans Le monde du silence (coréalisé par Louis Malle). Mais le film qu’ils auraient pu tirer de l’ensemble de leurs travaux n’a jamais eu lieu. Aussi Herzog propose-t-il une ébauche de montage (ou une longue bande-annonce) de ce qu’ils auraient pu entreprendre, tout en rendant hommage à leurs personnalités hors norme, par une voix off qu’il assure lui-même. C’est cette mise en abyme qui est la plus intéressante dans le film, d’autant plus qu’on retrouve un écho à l’univers fictionnel de réalisateur : on songe aux célèbres Aguirre, la colère de Dieu et Fitzcarraldo, ou au méconnu Le pays où rêvent les fourmis vertes. Scientifiques, mais aussi humanistes et à leurs manières ethnologues, les Krafft auraient pu connaître la consécration octroyée à un Jean Rouch, si leur statut de cinéastes avaient pu être un jour assumés. Car il faut préciser à nouveau que leurs prises de vue et cadrages sont sublimes et impressionnants, d’autant plus qu’ils ont joué avec leurs vies à plusieurs reprises. On apportera toutefois des réserves : le choix des morceaux musicaux, du requiem aux chants espagnols, noie parfois le film dans une emphase et une religiosité pesante, tandis que les propos redondants et didactiques de la voix off cassent par moments la poésie de ce matériau documentaire. Cela n’empêche pas de recommander Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft, en parfaite cohérence avec l’ensemble de l’œuvre de son auteur et accessible à tous les publics. à Voir à Lire