Sortie nationale
De Payal Kapadia avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam, Hridhu Haroon, Azees Nedumangad, Tintumol Joseph, Anand Sami
Drame - Inde/Luxembourg/France/Pays-Bas - 2024 - VOST - 1h58
All We Imagine as Light
Infirmière à Mumbai, Prabha voit son quotidien bouleversé lorsqu’elle reçoit un cadeau de la part de son mari qu’elle n’a pas vu depuis des années. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, cherche en vain un endroit dans la ville pour partager un peu d’intimité avec son fiancé. A l'occasion d’un séjour dans une station balnéaire, pourront-elles enfin laisser leurs désirs s’exprimer ?
Il s’agit du premier long métrage de fiction de la réalisatrice indienne Payal Kapadia, qui a été formée à la Cinef et au Film and Television Institute of India. Lauréate de l’Œil d’or du documentaire pour A Night of Knowing Nothing (Quinzaine des Réalisateurs 2021), elle est également l’auteure de courts métrages poétiques et ésotériques qui dévoilent l’influence d’Apichatpong Weerasethakul. Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2024, All We Imagine as Light est en apparence plus linéaire, tout en mettant en avant des intentions féministes plus ou moins explicites. À Mumbai, dans le sud de l’Inde, deux jeune femmes colocataires mènent une existence rangée. Toutes deux infirmières, elle semblent dévouées à leur métier et nouent des relations en apparence sereines avec leur entourage. Mais elle partagent un certain désenchantement, lié à leurs frustrations affectives et leur condition de femme ne disposant pas d’un réel libre arbitre dans une société patriarcale attachée au poids des traditions et de la religion. Prabha s’est laissée faire par sa famille qui lui a proposé un mariage arrangé, mais l’époux a émigré, ayant trouvé un emploi à l’étranger ; Anu quant à elle vit mal la difficulté à trouver un lieu d’intimité avec son amoureux. Cette trame minimaliste constitue la première partie du récit et privilégie l’équilibre entre des dialogues explicatifs et le non-dit, dans des plans sans esbroufe se déroulant essentiellement dans des intérieurs. Le long métrage prend ensuite une autre tournure, aux confins du fantastique, lorsque les deux jeunes femmes décident d’entreprendre un voyage au cours duquel elles vont tenter de s’affirmer dans leurs choix et revendications. On se doute que ce long métrage arty n’empruntera pas la voie de Thelma Louise, ni même de L’une chante, l’autre pas mais la rupture de ton de cette seconde partie est d’une indéniable élégance visuelle, ne serait-ce que par le décor naturel d’une forêt proche de la mer et du village côtier de Ratnagiri. On songe à d’autres œuvres asiatiques ayant cerné les tourments humains au sein d’une nature à la fois protectrice et hostile, des longs métrages de Naomi Kawase au récent Mal n’existe pas de Hamaguchi, en passant par L’arbre aux papillons d’or de Pham Thiên Ân (Caméra d’or 2023). Payal Kapadia dispose d’un réel talent et sort des sentiers balisés, tant de la narration traditionnelle que du film à thèse verrouillé. All We Imagine as Light, cohérent avec les intentions de la réalisatrice, est hautement recommandable.