Films du mois
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- Légendes des pictos :
- Séance suivie d'une rencontre |
- Sous-titrage sourds et malentendants |
- VF Version française |
- Séance précédée ou suivie d'un repas
De Payal Kapadia avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam, Hridhu Haroon, Azees Nedumangad, Tintumol Joseph, Anand Sami
Drame - Inde/Luxembourg/France/Pays-Bas - 2024 - VOST - 1h58
All We Imagine as Light
Infirmière à Mumbai, Prabha voit son quotidien bouleversé lorsqu’elle reçoit un cadeau de la part de son mari qu’elle n’a pas vu depuis des années. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, cherche en vain un endroit dans la ville pour partager un peu d’intimité avec son fiancé. A l'occasion d’un séjour dans une station balnéaire, pourront-elles enfin laisser leurs désirs s’exprimer ?
Il s’agit du premier long métrage de fiction de la réalisatrice indienne Payal Kapadia, qui a été formée à la Cinef et au Film and Television Institute of India. Lauréate de l’Œil d’or du documentaire pour A Night of Knowing Nothing (Quinzaine des Réalisateurs 2021), elle est également l’auteure de courts métrages poétiques et ésotériques qui dévoilent l’influence d’Apichatpong Weerasethakul. Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2024, All We Imagine as Light est en apparence plus linéaire, tout en mettant en avant des intentions féministes plus ou moins explicites. À Mumbai, dans le sud de l’Inde, deux jeune femmes colocataires mènent une existence rangée. Toutes deux infirmières, elle semblent dévouées à leur métier et nouent des relations en apparence sereines avec leur entourage. Mais elle partagent un certain désenchantement, lié à leurs frustrations affectives et leur condition de femme ne disposant pas d’un réel libre arbitre dans une société patriarcale attachée au poids des traditions et de la religion. Prabha s’est laissée faire par sa famille qui lui a proposé un mariage arrangé, mais l’époux a émigré, ayant trouvé un emploi à l’étranger ; Anu quant à elle vit mal la difficulté à trouver un lieu d’intimité avec son amoureux. Cette trame minimaliste constitue la première partie du récit et privilégie l’équilibre entre des dialogues explicatifs et le non-dit, dans des plans sans esbroufe se déroulant essentiellement dans des intérieurs. Le long métrage prend ensuite une autre tournure, aux confins du fantastique, lorsque les deux jeunes femmes décident d’entreprendre un voyage au cours duquel elles vont tenter de s’affirmer dans leurs choix et revendications. On se doute que ce long métrage arty n’empruntera pas la voie de Thelma Louise, ni même de L’une chante, l’autre pas mais la rupture de ton de cette seconde partie est d’une indéniable élégance visuelle, ne serait-ce que par le décor naturel d’une forêt proche de la mer et du village côtier de Ratnagiri. On songe à d’autres œuvres asiatiques ayant cerné les tourments humains au sein d’une nature à la fois protectrice et hostile, des longs métrages de Naomi Kawase au récent Mal n’existe pas de Hamaguchi, en passant par L’arbre aux papillons d’or de Pham Thiên Ân (Caméra d’or 2023). Payal Kapadia dispose d’un réel talent et sort des sentiers balisés, tant de la narration traditionnelle que du film à thèse verrouillé. All We Imagine as Light, cohérent avec les intentions de la réalisatrice, est hautement recommandable.
De Michel Gondry avec Pierre Niney
Aventure
Animation
Comédie - France - 2024 - VF - 1h01
Maya, donne-moi un titre
Maya et son papa vivent dans deux pays différents. Pour maintenir le lien avec sa fille et continuer à lui raconter des histoires, son papa lui demande chaque soir « Maya, donne-moi un titre ». À partir de ce titre, il lui fabrique alors un dessin animé dont elle est l’héroïne. À travers ces aventures racontées par Pierre Niney, Michel Gondry donne vie à un voyage poétique et amusant qui fera rêver les petits…et sourire les grands.
Lassés des histoires de princes et de princesses, de monstres ou de super-héros qui se ressemblent ? Grâce à leur imagination débordante, Gondry père et fille construisent ici un film composite constitué d’une succession d’aventures non conventionnelles ! Au sein de ces histoires abracadabrantes, dont Maya demeure l’instigatrice et la principale héroïne, tout est permis et tout semble possible tant que les mots peuvent le dire et que le cinéma est capable de le matérialiser. Ainsi, rien de plus normal que de croiser un avion-oiseau ou un poisson-horloge, un canon à frites capable d’endiguer une marée rouge de ketchup, ou de voir le film rembobiner le cours de l’histoire pour rétablir les dommages causés par une catastrophe naturelle… Dans ce premier film d’animation de Michel Gondry, principalement réalisé à partir de papiers découpés et de dessins au trait naïf, on retrouve le goût du cinéaste pour les univers bricolés, l’humour absurde et le dévoilement des mécanismes de la grande machine à faire des films. Véritable œuvre de méta-cinéma, rendant grâce à la dimension artisanale du métier de cinéaste, Michel Gondry explicite avec didactisme et poésie le processus de fabrication d’un film d’animation et se plaît à rendre visible l’œuvre en train de se faire, laissant apparaître ici et là les mains du créateur. Ponctué d’irruptions du réel à l’écran lorsque Maya adresse à son père ses nouvelles intentions, ce film « fait maison » et aussi un film de famille permettant aux deux protagonistes de maintenir le lien malgré la distance qui les sépare. Minimaliste dans sa production et dans son dispositif (simplicité du matériel, peu d’effets et un Pierre Niney pour unique interprète) mais on ne peut plus généreux du point de vue du récit, le film est une ode à l’imaginaire et à la puissance créatrice. Il s’inscrit en cela dans la pure continuité de ses dernières productions (de Soyez sympas, rembobinez au Livre des solutions, en passant par Microbe et Gasoil) tout en inventant, par le biais de l’animation, un nouveau langage et un nouveau terrain de jeu à explorer…Benshi
De Mohammad Rasoulof avec Misagh Zare, Soheila Golestani, Setareh Maleki, Mahsa Rostami, Niusha Akhshi, Reza Akhlaghirad, Shiva Ordooie, Amineh Mazrouie Arani
Drame - Iran/France/Allemagne - 2024 - VOST - 2h46
Les Graines du figuier sauvage
Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement...
Inspiré de ce qui aurait dû être une révolution et la chute du régime iranien avec le mouvement Femme, Vie, Liberté, ce thriller politique et familial élève Mohammad Rasoulof au rang des plus immenses réalisateurs de ce début du siècle. Un coup de poing absolu de cinéma. Avoir-alire
De Mati Diop avec Gildas Adannou, Habib Ahandessi, Joséa Guedje, Imelda Batamoussi
Documentaire - France/Bénin/Sénégal - 2024 - 1h08
Dahomey
Novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey s’apprêtent à quitter Paris pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. Avec plusieurs milliers d’autres, ces œuvres furent pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892. Mais comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ? Tandis que l’âme des œuvres se libère, le débat fait rage parmi les étudiants de l’université d’Abomey Calavi.
Ours d'Or Berlin 2024
A voir: Rencontre avec la réalisatrice Mati Diop
A écouter : «Dahomey» de Mati Diop : retour au pays natal de 26 trésors pillés pendant la colonisation (Tous les cinémas du monde, RFI)
Cinq ans après avoir reçu le Grand prix au festival de Cannes pour Atlantique, Mati Diop revient avec un nouveau long-métrage, lorgnant toujours du coté de l’Afrique, posant un regard qui s’affirme dans un style et une forme étonnante. En 2014, déjà, elle signait Mille Soleils, un conte autour du cinéma de son oncle, Djibrill Diop Mambety, réalisateur de Touki Bouki, un grand film sénégalais tourné en 1972. C’est du coté du Bénin qu’elle décide de tourner son nouveau film, Dahomey, dans une certaine idée du cinéma documentaire. Il y est question de la restitution de 26 œuvres béninoises, dérobées à la fin du XIXème siècle par l’armée française colonisatrice qui les aura gardées pendant près de 130 années. Les premières images de Dahomey nous montrent le musée du Quai Branly, où l’on manipule avec précaution ces sculptures et créations, pour les empaqueter et les remettre aux autorités du Bénin, pays descendant de l’ancien royaume du Dahomey. Ce voyage est doublé d’une voix-off, Mati Diop désirant donner un timbre précis à ces trésors, et une langue, le fon, qui est l’idiome majoritaire du pays d’origine de ces pièces volées. Ces séquences sont infusées par une ambiance très onirique, rappelant bien des scènes d’Atlantique, conférant une dimension presque fictionnelle au film. En faisant parler les trésors, la cinéaste en fait des personnages à part entière, l’âme perdue d’une nation en quête d’identité dans le long chemin de la décolonisation. Ce voyage aurait du être l’intégralité du projet, avec l’idée d’un retour impossible tant de temps ont passé et la population s’étant métamorphosée au contact des occidentaux. Pour donner plus d’ampleur à son script, Mati Diop compose un second acte passionnant qui donne tout son intérêt à Dahomey. Elle filme une réunion d’étudiants béninois, discutant de l’impact du retour de ces œuvre sous un angle critique. Si la première partie était une odyssée, la seconde devient politique, analysant avec talent tout ce que cache cette rétrocession. Ces 26 œuvres sont une infime partie des 7000 œuvres arrachées à ce territoire pour garnir les musées français. Si certains pensent que c’est un premier pas, beaucoup argumentent au contraire que cet acte est une insulte pour leur peuple. Ce débat détient de nombreuses vertus, l’une d’entre elles étant d’exposer l’ultime stade de la colonisation : ces étudiants, à leur grand regret, ne peuvent s’exprimer dans une autre langue que le Français. Une jeune femme exprime son désarroi devant ce constat, elle ne peut s’exprimer en fon, son esprit ayant été modelé tout du long de son éducation par la langue du colonisateur, structurant son intellect comme peut le faire une langue vivante. Cet effet pervers est en soit une perte d’identité majeure qu’il est très difficile à contourner. Comment trouver des solutions pour réhabiliter les langues locales et se réapproprier une part significative de sa culture ? Le geste de la présidence Macron, cette restitution tardive, interroge également. Les différents protagonistes font fuser toutes sortes d’idées qui soulignent toute que la population béninoise n’est pas dupe, elle est consciente que ce « geste » est une manœuvre qui a pour but de travailler la qualité de l’image de la France en Afrique, sans toute fois aller jusqu’au bout, en rendant la totalité des œuvres volées. C’est le concept même de culture qu’interroge ces jeunes gens, que celle-ci soit matérielle, dans le cas de statues, ou immatérielle s’il est question de danses, de langues ou de coutumes ancestrales. C’est l’âme et la fierté d’un peuple qui est mise sur le grill dans Dahomey, avec la question brûlante du leg d’une colonisation qui a brisé bien plus que des vies, mais bel et bien l’âme d’un continent. La très belle forme et recherche de Mati Diop met à l’honneur tous ces points, affirmant un style et un cinéma qui ne ressemble à aucun autre. Le Bleu du Miroir.
De Nathan Silver avec Jason Schwartzman, Carol Kane, Dolly de Leon, Caroline Aaron, Robert Smigel
Comédie
Dramatique - Etats-Unis - 2024 - VOST - 1h51
Carla et Moi
Un chantre en pleine crise de foi voit son monde bouleversé lorsque son professeur de musique de l'école primaire réintègre sa vie en tant qu'élève.
Rencontre avec Agathe Muzy, chargée du French Tour du Champs-Elysées Film Festival, festival de cinéma indépendant français et américain, le mardi 8 octobre à 20h.
Sans doute l’expression «âmes soeurs» est-elle celle qui convient le mieux pour décrire les deux protagonistes de cet excentrique et émouvant film coécrit et réalisé par Nathan Silver. Il rappelle d’emblée Harold et Maude, mais de manière superficielle : le film de Silver développe sa propre identité, ne partageant ni la stylisation formelle ni la charge satirique du chef-d’oeuvre de Hal Ashby. Tourné dans le nord de l’État de New York, il exsude un réalisme granuleux et une atmosphère hivernale qui transit : la chaleur humaine qui naît entre Ben et Carla n’en paraît que plus précieuse. Le devoir
De RIETH Simon, LE CARPENTIER Germain, MARRECAU Juliette, MIAILHE Florence
Court-Métrage - France - 2023/2024 - VF - 0min
COMPETITION FRANCAISE 1 CHAMPS ELYSEES FILM FESTIVAL 2024
6000 MENSONGES de Simon Rieth (5’) : C’est l’histoire d’un détail qui manque, ou qui n’a jamais existé. L’image d’un enfant que nous recherchons et essayons de recréer. HARAKA HARAKA de Germain Le Carpentier (25’) : Un vieux pneu concourt à l’historique course de pneus de Mayotte où se croisent les destins de deux femmes, sous un soleil de plomb. LES LIENS DU SANG de Hakim Atoui (19’) : Au cours d’un déjeuner, Ali et Leila découvrent avec stupeur que leur mère vit désormais en compagnie d’un androïde… Grand Prix du Jury MES RACINES D’AMOUR de Juliette Maréceau (24’) : En l’absence de sa mère, Alice, 7 ans, vive et joueuse, doit s’occuper de Paul, son grand-frère en situation de handicap.... PAPILLON de Florence Miailhe (14’) : Dans la mer, un homme nage. Au fur et à mesure de sa progression les souvenirs remontent à la surface. Certains sont heureux, d’autres glorieux, d’autres traumatiques. Cette histoire sera celle de sa dernière nage. Elle nous mènera des camp de concentration aux plages rêvées de la Réunion. SOL BÉNI de Tristan Feres et Maky Margaridis (11’) : Tourné à Abidjan avec une caméra Super 16 pour un documentaire sur les académies de football en Afrique. Un groupe d’amis et un poème racontant leur amitié.
De Boris Lojkine avec Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow, Emmanuel Yovanie, Younoussa Diallo, Ghislain Mahan, Mamadou Barry, Yaya Diallo, Keita Diallo
Drame - France - 2024 - VF / VOST - 1h33
L'Histoire de Souleymane
Tandis qu’il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n’est pas prêt.
Rencontre avec la CIMADE le samedi 12 octobre à 20h30
À peine deux jours. C’est le temps qui reste à Souleymane pour préparer son entretien à l’OFPRA dont il espère qu’il obtiendra le statut de réfugié politique. Sauf que pour préparer cette épreuve, il faut être entraîné par des hommes et des femmes de bon conseil, dormir son content d’heures, ne pas se soucier de l’endroit où l’on va pouvoir se doucher et manger : bref tout le contraire de ce que subit Souleymane à Paris. Il livre des clients à la place d’un autre qui lui loue son application téléphonique. Les galères s’enchaînent évidemment avec des restaurateurs peu enclins à l’aider, des mises en danger permanentes sur la route et des clients d’une extrême froideur. Quelques pépites d’humanité se nichent sur son chemin, mais finalement si peu par rapport aux contraintes qu’il subit. L’histoire de Souleymane est celle de milliers de femmes et d’hommes, candidats à l’asile politique en France ou ailleurs dans le monde. Tout est compliqué : se soigner, se loger, se reposer, c’est-à-dire répondre à ses besoins primaires. Le chemin est d’autant plus rude qu’ils se sentent obligés d’inventer des récits politiques pour passer les fourches caudines de la demande d’asile, là où derrière leur désir d’émancipation économique se nichent d’abord des êtres vulnérables, fragiles, sans perspective autre que celle de se sauver. L’histoire de Souleymane n’est pas un mélodrame sociopolitique. C’est un témoignage ancré dans le réel de ces candidats aux papiers. Il faut saluer d’ailleurs à la fois la forte connaissance par le réalisateur, Boris Lojkine, des questions d’asile et des parcours migratoires. Le cinéaste ne triche pas, ne fait pas semblant, n’en rajoute pas dans les excès émotionnels. Son seul enjeu est de témoigner de la galère quotidienne pour ces personnes qui déposent des dossiers de reconnaissance d’asile, dans un contexte, on le sait hélas, où les radicalismes nationalistes montent partout en Europe. Le témoignage de Souleymane voit l’émergence sur les écrans d’un très grand comédien, Abou Sangaré. Il interprète cet exilé guinéen avec une force admirable ne virant jamais au sentimentalisme ou au psychodrame. Il s’enroule dans cette humanité avec une véritable sincérité, particulièrement lors de la dernière séquence où il fait face à l’agente de l’OFPRA incarnée par la non moins remarquable Nina Meurisse. L’actrice parvient à faire prendre conscience des discours si nombreux, cousus de fils blancs, qui sont vendus aux exilés pour soit-disant obtenir une réponse positive. Bien sûr, cet exil ne relève pas des accords de Schengen au sens de la loi : il est venu en France uniquement pour nourrir sa famille et se sortir de la rue. Mais l’agent de l’OFPRA parvient à lui faire dire la vérité de son existence, au risque sans aucun doute que sa quête soit déboutée. Voilà un film important qu’il faut regarder pour appréhender d’une part le système d’accueil en France des migrants, et d’autre part pour chercher dans les visages des exilés l’humanité que nos organisations administratives ou les discours politiques peuvent leur faire perdre. C’est aussi un vrai film de cinéma, avec un rythme, des couleurs, des mouvements au milieu de la ville de Paris. On reconnaît les stations de RER ou de métro ; Boris Lojkine immerge son spectateur dans le brut des rues, des foyers d’urgence, des douches municipales. Le film rend aussi un vibrant hommage aux livreurs de repas, si maltraités par leurs patrons ou ces gens sans complexe qui sous-louent leur application. L’histoire de Souleymane était présenté dans la sélection 2024 d’Un Certain Regard. Il rejoint d’autres longs-métrages de la compétition (pour le coup d’un niveau assez supérieur à la compétition officielle) où le débat politique a toute sa place. C’est une œuvre dense, sincère, engagée et magnifique. à Voir à Lire
De Vittorio De Sica avec Lamberto Maggiorani, Enzo Staiola, Lianella Carell, Elena Altieri, Gino Saltamerenda
Drame - Italie - 1948 - VOST - 1h30
Le Voleur de bicyclette
Chômeur depuis deux ans, Antonio trouve un emploi de colleur d'affiches, mais il se fait voler sa bicyclette, outil indispensable dans le cadre de son nouveau métier.
Programmation proposée par Le RECIT, soutenue par la Région Grand Est et en partenariat avec l’ADRC, permettant de découvrir ou redécouvrir des grands classiques du 7ème Art sur grand écran.
Un partenariat avec MIRA, cinémathèque régionale numérique, permet la projection en avant-programme de courtes séquences d’archives inédites, en lien avec le film.
Le thème de la programmation 2024/2025 : Au voleur !
Rencontre avec Laurent Galinon, spécialiste du cinéma italien et Clément Regnacq, programmateur du cycle.
C’est peu dire que Le voleur de bicyclette a été, après Rome ville ouverte (1945) de Roberto Rossellini, une pièce fondatrice de ce qu’il est convenu de nommer le néoréalisme italien. Longtemps considéré comme l’un des plus beaux films de tous les temps (ce qui était sans doute excessif), il s’agit pourtant bien d’un chef-d’œuvre qui supporte le verdict des années. Le scénario est, en apparence, d’une simplicité absolue : Antonio, un père de famille, est au chômage de longue durée lorsqu’il se voit proposer un emploi de colleur d’affiches, à condition d’être en possession d’une bicyclette. Il récupère alors celle qu’il avait mise en gage mais dès le premier jour de son embauche il se la fait voler. Accompagné de son jeune fils Bruno, il décide dès le lendemain de tout mettre en œuvre pour retrouver la trace du voleur et de la bicyclette. Le récit a été écrit par plusieurs scénaristes dont les prestigieux Cesare Zavattini et Suso Cecchi D’Amico, qui ont eux-mêmes adapté un roman peu connu de Luigi Martolini. Le film a marqué le cinéma par la démarche de son réalisateur, Vittorio De Sica, vedette populaire des années 30, et qui avait déjà signé l’excellent Sciuscia (1946), de la même veine. Le cinéaste s’est impliqué dans la conception du Voleur de bicyclette en y greffant son style : décor et tournage en extérieurs, recours à des acteurs non professionnels, filmage de lieux fréquentés par les pauvres, dans une vision semi-documentaire novatrice à l’époque. L’Italie de l’après-guerre révèle ici ses déshérités, et la quête d’Antonio le fera traverser les quartiers les plus meurtris de la banlieue de Rome : logements sociaux vétustes, ruelles malfamées, petits marchés plus ou moins licites voient ici se croiser des mendiants achetés par des dames patronnesses (un plat de pâtes en échange d’une participation à la messe), des petits délinquants tentés par le vol impulsif, des voyantes peu lucides ou d’honnêtes citoyens tentant de joindre les deux bouts en gardant leur dignité. Antonio est de ceux-là, mais ce « père courage » n’hésitera pas à braver l’interdit pour assurer un niveau de vie correct aux siens. D’aucuns ont reproché à De Sica une tendance au misérabilisme, comparativement à l’ascèse d’un Rossellini. Pourtant, il n’en est rien, tant le réalisateur montre à merveille les ambivalences de l’âme humaine et préfère la dénonciation sociale implicite au pamphlet ostensible. Et nul sentimentalisme dans les passages emblématiques (les relations entre le père et le fils) : simplement la volonté de ne pas rejeter l’approche émotionnelle et d’atteindre aussi le public populaire. Ainsi en est-il de la partition musicale d’Alessandro Cicognini, qui est loin de jouer sur l’emphase et de trahir le ton néoréaliste, et contribue à faire du Voleur de bicyclette un film aussi touchant que les mélodrames de Chaplin. L’œuvre obtint un succès public et un triomphe critique, avant de remporter plusieurs prix internationaux dont l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. à Voir à Lire
De Yan England avec Antoine Olivier Pilon, Sophie Nélisse, Lou-Pascal Tremblay, David Boutin, Patrice Godin
Drame - Canada - 2016 - VF - 1h46
1:54
À 16 ans, Tim est un jeune homme timide, brillant, et doté d'un talent sportif naturel. Mais la pression qu'il subit le poussera jusque dans ses derniers retranchements, là où les limites humaines atteignent le point de non-retour.
Soirée proposée par l'Union départementale des associations familiales du Haut-Rhin, sur le thème du cyberharcèlement scolaire.
Rencontre avec Mme Virginie HERTEL de L’envolée positive et référente harcèlement sur le Haut Rhin de l’association « Les souffres douleurs de l’école » et Lag Spirit MC Ariovistos : Groupement de motards principalement issus des forces de l’ordre et qui luttent contre le harcèlement.
Entrée gratuite
Antoine-Olivier Pilon, la révélation du Mommy de Xavier Dolan trouve un nouveau rôle d’adolescent perturbé dans 1:54 de Yan England. Il y incarne Tim, souffre-douleur de son lycée peinant à assumer son homosexualité face aux quolibets et tentant de tout oublier en pratiquant la course à pied. « Au Québec, j’ai participé à des émissions pour la jeunesse dès mon plus jeune âge, explique le réalisateur canadien à 20 Minutes. Je reçois encore beaucoup de courrier de téléspectateurs qui me parlent du harcèlement scolaire qu’ils subissent. C’est de ces témoignages qu’est née mon envie de faire ce film. » Un établissement modèle Bien que l’action se déroule au Canada, le lycée que fréquente Tim pourrait se trouver n’importe où. « Le film met le spectateur dans la peau d’un collégien harcelé parce que c’est le seul moyen de lui faire comprendre ce qu’est vraiment cette forme d’intimidation », insiste le cinéaste. Tim est persécuté dans l’établissement mais aussi sur des réseaux sociaux venant lui rappeler jusque dans sa chambre à quel point il est exclu. La menace d’une vidéo compromettante met à mal son succès dans la compétition qui pourrait lui redonner l’estime de soi. Une violence inouïe « Il subit là une violence inouïe semblant sans gravité aux adultes mais pouvant pousser jusqu’au suicide un ado qui se pose des questions sur son identité sexuelle, précise Yan England. Tout ce que je décris dans le film est basé sur des faits, rien n’est exagéré. » Confronté à une hostilité constante, le garçon ne trouve de véritable soutien qu’auprès d’une camarade de classe campée par Sophie Nélisse mais elle aussi peine à prendre la mesure de son calvaire. Ce personnage féminin très fort est l’un des plus réussi notamment quand elle feint d’être la petite amie de Tim dans l’espoir de faire cesser les quolibets homophobes. Sortir du silence « Le silence est le meilleur ami du harcèlement, assène le cinéaste trentenaire. C’est pour cela que j’aimerais que mon film soit montré à des collégiens et des lycéens. Mais au cinéma, pas à l’école, car il est plus facile de s’exprimer quand on n’est pas dans la maison de son bourreau. » Yan England a vu de nombreuses victimes prendre la parole lors de débats suivant la projection de 1:54. « La réaction dont je suis le plus fier est celle d’un gamin qui a avoué s’être reconnu dans le personnage du persécuteur », se souvient-il. Le fait que le film soit saupoudré d’une bonne dose de suspense sur le sort de son héros ne fait que renforcer son efficacité. 20 Minutes
avec MIRA (Mémoires des Images Réanimées d'Alsace)
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Collecte de films amateurs
Vos films sont notre histoire, partagez-les !
Vous avez tourné chez vous ou en voyage, au travail ou pendant vos loisirs : ces images privées font partie de notre patrimoine. Que vous soyez un particulier, une association, une entreprise, une collectivité ou une institution, vos films nous intéressent. Ils sont le témoignage d'une époque et constituent des sources historiques précieuses. Confiez-les à la Cinémathèque d'Alsace, MIRA en Alsace. Ils seront inventoriés, numérisés et valorisés.
En Alsace, MIRA collecte tous les films amateurs sur supports pellicule : 9,5 mm, 16mm, 17,5mm, 8mm, Super 8mm. Nouveauté 2024, nous nous lançons dans la collecte de supports sur bandes magnétiques pour collecter aussi la mémoire des années 1980 et 1990. Venez nous déposer vos films sur cassettes vidéo 8, Hi8, DVCam, Betacam, U-matic, VHS, S-VHS...
Cette année, MIRA propose également une série d'animations gratuites et à destination du grand public pour partager la passion du film amateur et la beauté du format pellicule. Ateliers de découverte, visites guidées d'expositions et projections de films anciens sont au programme.
De 14h à 17h30 dans le hall du cinéma
avec Patrick Perrot
Atelier montage de films argentiques
Patrick Perrot, collectionneur de matériels de projections et de films, invite les curieux à s’initier au montage tel qu’il se pratiquait avant l’avènement du numérique. Les participants assembleront des images sur pellicule afin de créer leur propre film, diffusé sur le grand écran du Bel Air à l’issue de l’atelier.
Gratuit - Inscriptions auprès de cinebelair@wanadoo.fr ou au 03 89 60 48 99 Durée : 2 h
Gratuit - Inscriptions auprès de cinebelair@wanadoo.fr ou au 03 89 60 48 99 Durée : 2 h
De 14h30 à 16h30 dans le hall du cinéma
De Marion Gervais
Documentaire - France - 2024 - VF - 1h44
Anaïs, 2 chapitres
Anaïs, 24 ans, s'installe comme agricultrice en Bretagne. Rien ne l'arrête. Ni l'administration, ni les professeurs misogynes, ni le tracteur en panne, ni les caprices du temps... 10 ans plus tard, Anaïs est maintenant mariée avec un jeune Sénégalais, Seydou. La dure loi des frontières compliquant tout, ils vont devoir se relever les manches...Ensemble.
À l'issue de la projection, rencontre avec ATTAC, la Ligue des Droits de l'Homme, Les Amis de la Confédération Paysanne et Terre de liens Alsace.
"Anaïs, 2 chapitres" n’est pas un documentaire de démonstration sur la béatitude de la vie au vert, ni sur l’intégration, mais se laisse toutes latitudes de questionner ce qu’être libre veut dire, et à quoi la dissidence en actes peut bien ressembler. Libération
De Hugues Hariche avec Camille Rutherford, Flavie Delangle, Sarah Bramms, Clémence Till, Claude Fugère, Faustine Mathieu, Tom Nappiot, Guillaume Henry, Lucie Mysliveckova, Sabine Timoteo, Laeticia Reichenbach
Drame - France/Suisse - 2024 - VF - 1h45
Rivière
Après une fugue pour essayer de retrouver son père qui reste introuvable, Manon, 17 ans, parvient à se libérer de ce lien familial et à se reconstruire de manière inattendue afin de renouer avec son rêve : devenir hockeyeuse professionnelle.
Rencontre avec Hugues Hariche, réalisateur.
Manon (Flavie Delangle), ado franco-suisse de 17 ans, fugue de Suisse pour rejoindre Belfort. Son but ? D’abord, retrouver un père qui l’a abandonnée, puis réaliser son rêve de rejoindre une équipe de hockey professionnelle. Têtue, mais talentueuse, elle devra trouver sa place au sein d’un microcosme ultra-compétitif tout en étant forcée de grandir parfois trop rapidement. Rivière : des lettres floquées sur un maillot de hockey trop grand et un nom, celui d’un père que recherche obstinément Manon, ado franco-suisse de 17 ans qui a fugué de Coire, dans les Grisons, pour la non moins grise Belfort. Premier long métrage du réalisateur franco-suisse Hugues Hariche, présenté dans la section Cineasti del presente à Locarno, son parcours international (il vit aux États-Unis) s’y reflète d’une façon discrètement amusante. En effet, qui, hors de Suisse, connaît la ville de Coire ? Afin de ne pas perdre les spectateurs, la jeune fille est simplement surnommée «la Suisse». Le film rappelle «Olga», du Français Elie Grappe, qui vit aussi en Suisse. Ado ukrainienne et gymnaste pro, «Olga» venait se frotter aux duretés de l’entraînement à Macolin, en Suisse. Mais les plus sévères ne sont pas ceux que l’on croit : pour les deux adolescentes, le juge le plus implacable et le bourreau le plus brutal, ce n’est pas l’entraîneur, mais elles-mêmes. Repoussant sans cesse leurs limites physiques, évoluant dans un environnement ultra-compétitif, ces jeunes se distinguent facilement des autres : leurs corps sont couverts d’ecchymoses, qui ne les émeuvent guère tant elles en ont l’habitude. Le cinéaste visait une esthétique des années 90 : c’est réussi. Entre les néons bleutés de la patinoire et la glace, qui reflète la lumière autant qu’elle permet de glisser à toute vitesse, la caméra s’attarde en plans rapprochés sur les visages avant de suivre au ras du sol les coups de lames endiablés des équipes en compétition. Des récits parallèles, celui de Karine, patineuse artistique, pose un regard tout sauf glamour sur un sport qui, pour quelques minutes de grâce offertes aux yeux des spectateurs, demande des années de sacrifices. Adolescence oblige, Rivière est également un récit d’apprentissage, de responsabilités que l’on prend – et, parfois, que l’on est forcé d’assumer, de découvertes et de chassés-croisés amoureux. Rien n’est simple pour l’ado fugueuse, qui se raccroche à un seul rêve : jouer en équipe féminine à un niveau professionnel. Servi par un casting efficace «Rivière» offre un récit convaincant. Cinéman
De Stéphanie Gillard avec Amandine Henry, Wendie Renard, Sarah Bouhaddi, Ada Hegerberg
Documentaire - France - 2020 - VF - 1h27
Les Joueuses
L’équipe féminine de L’Olympique Lyonnais s’est imposée au fil des années comme une des meilleures équipes de football au monde. D'entraînements en compétitions, de doutes en victoires, ce film plonge pour la première fois au coeur du quotidien de ces joueuses d’exception. Une invitation à porter un nouveau regard sur la place faite aux femmes dans le sport : un univers où les valeurs de respect et d’ouverture seront les piliers de l’évolution vers l’égalité.
Stéphanie Gillard capte l’effort, l’enthousiasme, le souffle de la victoire. Elle décrit aussi un instant charnière de la jeune saga du foot féminin, sport longtemps confidentiel sur le point d’atteindre une reconnaissance plus vaste. Les Echos
De Maurice Pialat avec Jacques Dutronc, Alexandra London, Bernard Le Coq, Gérard Séty, Corinne Bourdon
Biopic
Drame - France - 1991 - VF - 2h38
Van Gogh
Les derniers jours du peintre Van Gogh venu se faire soigner chez le docteur Gachet à Auvers-sur-Oise. Terribles derniers jours partagés entre une création intensive, des amours malheureuses et surtout le désespoir.
Introduction à la projection par Catherine Koenig, historienne de l’art.
L’ARTISTE À L’OS L’histoire tragique de la fin de vie du peintre néerlandais, isolé dans un petit village en bordure de l’Oise, la folie qui le guette et l’emporte, tout le monde ou presque a fini par la connaitre. Pour autant, Van Gogh est très éloigné du biopic académique et de ses poncifs habituels. Loin du récit de vie extraordinaire dans lequel se complait trop souvent le genre, Pialat tord le cou à un portrait hagiographique du peintre, tout en portant sur lui un regard fascinant. Le film est considéré par son auteur comme une “biographie romancée“ des 67 derniers jours du peintre. Une forme semblable par exemple au Blonde de Joyce Carol Oates, qui permet de s’extirper du caractère mythique de son personnage et devient le fer de lance de sujets plus grands. Le cinéaste se met ainsi au chevet du génie. Au plus proche de son travail, de sa vie sociale, de ses affects physiques et de ses tourments psychologiques il peut ainsi évoquer plus largement le travail artistique. Ce qui semble attirer profondément Maurice Pialat dans ce récit, c’est le portrait fragile d’un artiste, qui nourrit son art de sa propre chair. Van Gogh se laisse vaciller, parait ne pas lutter contre ses démons pour tirer de son mal-être une essence de virtuose – encore – incompris. Rachitique, il puise dans ses retranchements corporels et mentaux pour sa peinture, laissant apparaître ses os sur son corps malingre. C’est précisément parce qu’il est “à l’os“ que le peintre se fait aussi entier, faisant fi des sentiments de ses proches, se montrant haineux avec son travail. Comme privé de sa chair et de son esprit, réduit à une forme d’essence primitive, Van Gogh dévoile un être animé de pulsions. Pulsions créatrices, pulsions sexuelles, pulsions de colère embrument et étouffent, mais aussi nourrissent le corps osseux de l’artiste. Le peintre apparait dans un état autre que ses semblables. Sans barrière charnelle ou psychique, au cœur plus que quiconque de “la“ matière ultime, il est devenu un être à la sensibilité profondément accrue, et par sa singularité, marginal. Ce portrait à vif de Van Gogh tient précisément au style de Pialat, qui signe un film à l’image de son oeuvre : “à l’os“. Sa mise en scène épurée et naturaliste est propice à l’atteinte de ces sujets et de ces sentiments absolus. Son style est sans fioritures, à nu, les derniers instants du peintre sont filmés dans toute leur langueur, leur effervescence, et leur colère. Ce rapport cru aux choses, décalant le réel vers le naturel, est essentiel dans le cinéma de Maurice Pialat. Le cinéaste n’hésite jamais à montrer les aspects les plus tendres, mais aussi les plus écorchés de l’humanité, comme il pouvait le faire avec le judicieusement nommé L’Enfance nue. Dans ses films, Pialat joue avec le naturel, tente de le retranscrire dans toute sa complexité et sa cruauté. Il capture l’instant, le façonne par le cinéma, le rend long – et donc douloureux – comme il a rendu insoutenable les affres du couple de Nous ne vieillirons pas ensemble. Cela tient aussi à la manière dont le temps s’écoule chez le cinéaste. Le temps devient une matière malléable : des jours, des mois, voire des années peuvent passer en une fraction de seconde, en un raccord. Cette façon d’aborder le temps qui passe concentre le cinéaste – et le spectateur – sur son sujet, et sur son instantanéité. Cette focale donne lieu à quelque chose de récurrent chez Maurice Pialat : son sens de l’épuisement. Par leur densité et leur entièreté, ses films et ses personnages sont éreintants. Pialat n’est pas du genre à détourner le regard : cette volonté d’être au cœur des sentiments des protagonistes est essentielle pour atteindre cette peinture la plus naturelle et complexe du monde visée par le cinéaste, mais porte en elle une difficulté de regard, et donc d’épuisement. Pialat semble similaire à Van Gogh sur ce point : il donne littéralement corps à son art, en y injectant chair, esprit et humanité, allant jusqu’à prêter ses mains à celles de l’artiste. Comme le peintre, le cinéaste a besoin de nourrir son oeuvre : de sa propre vie, de ses tourments. En finissant à l’os, l’artiste atteint une complétude émotionnelle, mais aussi une fragile instabilité, un chaos naturel. C’est en cela que Van Gogh est l’un des plus prodigieux films de Maurice Pialat. Outre la complexité du peintre et l’immense splendeur visuelle, le film offre à Pialat la possibilité de transcender son sens du naturel, en le confrontant à sa propre conception de l’art, à sa propre manière inéluctable de faire des films. L’artiste, aussi génial soit-il, a rarement été autant poussé dans ses retranchements, incarné fabuleusement par Jacques Dutronc en peintre inguérissable. Mais l’immensité du film tient à ce qu’il atteint, au vertige qu’il suscite. Un tournis dû à la confrontation essentielle que met en scène Maurice Pialat : Van Gogh met l’Homme face à ses peurs, à ses échecs, à l’abîme de l’Art. Le Bleu du Miroir
De Claudia Marschal avec Emmanuel Siess
Documentaire - France - 2024 - VF - 1h32
La Déposition
1993. Emmanuel croit trouver un refuge auprès de Hubert, le curé de son village en Alsace. Mais un après-midi pluvieux, Emmanuel ressort du presbytère après avoir juré de ne jamais raconter ce qui s’y est passé. Trente ans plus tard, Emmanuel se souvient de ce jour. À la gendarmerie, il active discrètement l’enregistreur de son téléphone et commence sa déposition.
Rencontre avec la réalisatrice Claudia Marschal et Emmanuel Siess.
En partenariat avec le RECIT.
"Je vous demande de vous concentrer et de me relater de manière précise les faits dont vous dites avoir été victime." Nous sommes à la gendarmerie en 2021 et Emmanuel enregistre discrètement la déposition dans laquelle il se replonge à la fin de l’été 1993. Il avait 13 ans et rendait visite au père Hubert, le prêtre de la paroisse de son petit village alsacien de Courtavon, un homme qu’il admirait, joueur de guitare, organisateur de spectacles et de campements, qui le faisait rêver avec un possible séjour humanitaire en Inde et auquel il confiait ses désarrois d’adolescent livré à lui-même dans l’ombre de ses parents ultra-catholiques accaparés par leur métier de restaurateur ("dans ma famille, on ne parle pas, on n’écoute pas, on ne prend pas le temps l’un pour l’autre, et tout d’un coup, j’avais quelqu’un qui m’écoutait"). Pour Emmanuel, c’est une plongée dans des souvenirs brûlants emplis de netteté ("je me rappelle parfaitement de son visage, comme si c’était hier") et de grand flou ("j’ai des blancs, ça m’énerve"), ceux d’une journée traumatique ayant marqué en profondeur toute son existence ("depuis tout petit, ça me poursuit. Je n’arrive pas à faire confiance"). Un événement hantant aussi terriblement la vie de son père Robert à qui l’adolescent avait tout raconté à l’époque (tout comme à sa mère désormais décédée) sans aucune conséquence et qui, 25 ans plus tard, décide de son propre chef d’aller confronter le prêtre Hubert ("monsieur le curé, qu’est-ce qui s‘est passé avec mon fils Emmanuel ?"), mais de croire encore, en bon catholique, à ses dénégations. Un cruel doute paternel (doublé de la violente surprise d’une lettre du prêtre proposant ensuite une rencontre à Emmanuel) qui déclenche la volonté de la victime de se confronter totalement aux cauchemars de son passé, de surmonter la peur du qu’en-dira-t-on, de redéfinir sa relation complexe à la foi (qu’il a réactivée chez les protestants évangéliques) et de porter enfin l’affaire en justice. Ouvrant une porte de la mémoire après l’autre, Claudia Marschal tisse un récit particulièrement émouvant et édifiant, en travaillant très habilement la chronologie de l’événement clé, le contexte du passé et l’action du présent. Articulé autour de huit épisodes audio de la déposition à la gendarmerie entrelacés avec la prise de contact d’Emmanuel avec l’archevêque de Strasbourg (qui le reçoit et entend son histoire) ou encore avec ses échanges avec sa soeur et surtout avec son père, le film décortique son dramatique sujet avec une implacable précision mise en relief par une grande inventivité narrative (nombreuses photos et vidéos familiales illustrant l’enfance du protagoniste, passage symbolique en animation) et par l’intensité, entre quête d’apaisement et ébullition, du témoignage de l’ancien enfant de choeur abusé devenu un adulte dépassant ses blessures et levant le voile sur le secret. Cineuropa
De Anastasiya Sokolova, Jakub Kouřil, Ursula Ulmi
Court-Métrage - Russie/République tchèque/Suisse/Papouasie-Nouvelle Guinée/Etats-Unis - 2024 - VF - 40min
Petits contes sous l'océan
Un programme de cinq courts métrages pour plonger dans les mondes marins… Partez sur les traces d’un célèbre marin, découvrez d’incroyables légendes insulaires, explorez des univers aquatiques merveilleux, vibrez au son de l’océan et faites des rencontres étonnantes à travers ces contes. Un véritable voyage en immersion pour les petits comme les grands !
Atelier coloriage à l’issue de la séance du samedi 28 septembre 15h45
Ce programme de cinq courts métrages nous embarque dans un grand voyage, de l’Antarctique (Le Saut du pingouin) jusqu’à l’Océan Pacifique (Idodo), en passant notamment par Saint-Petersbourg (Le Marin et la Feuille)… Au cours de cette traversée, nous rencontrons toutes sortes de créatures marines (un manchot effrayé par les profondeurs aquatiques, une pieuvre amicale, de gracieuses méduses, une anémone et un hareng musiciens, une étoile de mer combative…) mais aussi des personnages qui plongent, naviguent et rêvent de mondes sous-marins. Le petit garçon inspiré par les exploits du commandant Cousteau (Le Petit Cousteau), ou celui qui s’interroge sur les couleurs des poissons qu’il contemple depuis sa pirogue (Idodo) partagent la même fascination pour l’océan et ses trésors. C’est à ce sentiment d’émerveillement que nous invite ces films colorés, accessibles aux plus jeunes spectatrices et spectateurs, grâce à leurs récits simples qui mettent en scène la solidarité et l'amitié. Benshi
De JINDRA Petr, OCKER Julia, SKAPANS Nils, HAMMAN Jac, SCRIMGEOUR Sarah
Animation - Lettonie/Allemagne/Grande-Bretagne/République tchèque - 2024 - VF - 40min
MacPat le chat chanteur
Programme de quatre courts métrages.
De Antoine Boutet
Documentaire - France - 2023 - VF - 1h26
Ici Brazza
Ici Brazza, tout un programme : une zone en friche vit ses dernières heures. 53 hectares à bâtir pour un vaste projet immobilier dans l'air du temps. Chronique d'un terrain vague en transformation, le film scrute l'annonce d'un « nouvel art de vivre » dans la réalité brute du terrain.
Le cycle proposé par Sarah Favrat et Charles Henner revient le jeudi 24 octobre dans le cadre des Journées de l’architecture. en partenariat avec la Maison Européenne d’Architecture.
Les prochaines séances auront ensuite lieu le mardi : le 12 novembre avec Berlin Chamissoplatz en présence du réalisateur Rudolph Thome (Augenblick) et le 17 novembre avec Megalopolis de FF Coppola
Temps d'échange à l'issue de la projection.
Si Tati était documentariste, il aurait peut-être signé des films comme ceux d’Antoine Boutet : tout en finesse et en invitations au regard quasi muettes. Mais pas dénués d’humour. À Bordeaux, rive droite, quartier Brazza, le réalisateur invente de minuscules dispositifs de cinéma autour d’un faubourg-friche en pleine mutation. Il scrute les chantiers, revient filmer un point précis au fil des mois, interroge ces affiches publicitaires et leurs habitants factices, ravis d’acquérir un bien immobilier fait de « volumes capables » (sic). Il présente aussi les véritables occupants des lieux, en règle ou non… Sans rien marteler, Antoine Boutet milite pour que l’on se souvienne de ces 53 hectares interlopes, en laissant apercevoir les tensions que traverse tout territoire en urbanisation forcée. Télérama
De Emanuel Pârvu avec Bogdan Dumitrache, Laura Vasiliu, Ciprian Chiujdea, Valeriu Andriuță, Adrian Titieni, Ingrid Micu-Berescu, Richard Bovnoczki, Vlad Brumaru, Alina Berzunțeanu, Gabriel Radu
Drame - Roumanie - 2024 - VOST - 1h45
Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde
Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.
Il s’agit du troisième long métrage d’Emanuel Pârvu, également connu en tant que metteur en scène et acteur. Disons-le d’emblée : 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde est un véritable choc, et l’un des meilleurs films roumains de ces dernières décennies, quelque part entre La mort de Dante Lazarescu et 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Adi, un jeune homme de dix-sept ans, passe un été paisible dans la maison familiale, située dans un petit village au cœur du touristique Delta du Danube. Il partage son quotidien auprès de parents a priori bienveillants et d’Ilinca, une amie d’enfance. Un soir, il sympathise avec un étudiant de passage, venu de Bucarest. Au petit matin, Adi rentre chez lui terriblement amoché : il a été agressé au cours de la nuit par deux individus qui lui ont en outre volé son téléphone. 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde dispose d’un scénario limpide et efficace, qui commence comme un conte rohmérien et dévie vers le drame oppressant à la Haneke. Le cinéaste parvient à montrer les ravages de l’intégrisme religieux et de la corruption policière, alliées malgré elle pour faire respecter un ordre social et étouffer toute velléité d’émancipation individuelle. La cellule familiale s’en trouve gangrénée : pour maintenir les apparences et ne pas faire de vagues, le père et la mère en viennent à déconsidérer et maltraiter leur fils, qui passe du statut de victime au symbole de honte (de la famille, de la communauté). Les quelques visages de bonté (la jeune voisine) et d’intégrité (l’assistante sociale) parviendront-elles à inverser l’ordre des choses ? Cette critique virulente d’une société roumaine rigide et homophobe évite le manichéisme et la démonstration du film à thèse, ce qui n’exclut pas de longs dialogues au cours desquels se dévoile l’hypocrisie et le détournement des valeurs morales. Le réalisateur a ainsi déclaré pour le site du Festival de Cannes, où son film a été présenté en compétition officielle : « Dans une petite communauté, vous avez différents archétypes. Vous avez l’Église, le docteur et la loi représentée par la police. Ce qui m’importait, c’était comment nous pouvons rassembler, synthétiser la société en ces quelques personnages. Par exemple, pour moi le Mal est une notion qui se discute uniquement dans un contexte religieux, c’est complètement décorrélé de la vie où l’on n’a pas à vous imposer cette notion de Mal contre le Bien. Quand des agressions adviennent, comme dans le film, que faut-il penser, si on ne tient pas compte de ce que la religion, ou les autorités pourraient dire ? Comment faut-il intervenir ? » Le recours à l’humour pince-sans-rire révélant l’absurde de situations, loin d’être une concession, ne fait que renforcer le cadre angoissant de la narration, les pires motivations semblant se cacher au sein d’un décor paradisiaque. La mise en scène, sans esbroufe, dénote une réelle rigueur filmique, et un sens plastique saisissant, notamment par le choix des couleurs en extérieur, en collaboration avec le directeur photo Silviu Stavilă. « On a discuté pendant huit à dix mois sur la couleur et les textures qui devaient accompagner les personnages. On a fait le choix de les mettre en pleine nature comme dans un écrin, où tout semble toujours silencieux et beau, un endroit loin du tumulte de la vie citadine. Donc visuellement on a voulu une atmosphère de paradis végétal, calme, légendaire comme le Danube, alors que pour les gens qui y vivent, dans le creux des maisons, en réalité, c’est l’enfer », précise encore Emmanuel Pârvu. Ce film courageux et nécessaire, abordant une thématique sociale et politique en l’intégrant à une ambition cinématographique, est donc hautement recommandable. à Voir à Lire
- Légendes des pictos :
- Séance suivie d'une rencontre |
- Sous-titrage sourds et malentendants |
- VF Version française |
- Séance précédée ou suivie d'un repas